How process sufficiency can help pharma industries achieve their carbon footprint reduction targets?

At a time when global warming is a major issue for the survival of our species, humans are trying to progress and improve their industries, to limit their environmental impact. This critical issue has been understood for several decades and has been implemented in several sectors of activity, where significant changes in direction have been made.

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1. Les engagements neutralité carbone dans l’industrie pharmaceutique

L’industrie pharmaceutique fait partie des derniers bastions où les efforts sont perceptibles. C’est d’autant plus important que le secteur de la santé en général, est un des secteurs les plus émetteurs de CO2, étant même devant le secteur de l’automobile, pourtant tant décrié (source : article “Carbon footprint of the global pharmaceutical industry and relative impact of its major players” https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652618336084)

En effet, les contraintes réglementaires, mises en place pour la protection des patients, sont des freins à l’innovation. De ce fait, les ingénieurs en charge de nouvelles installations, ont le réflexe, pour ne pas mettre en péril la réalisation qui leur est confiée, à répliquer des installations existantes. Par ailleurs, les décideurs ont compris que le virage devait être amorcé, et ont mis en place des objectifs très ambitieux pour atteindre la neutralité carbone dans les prochaines décennies.

Les objectifs des 10 plus grandes entreprises pharmaceutiques en réduction d’émissions carbone, (source : EECO2). Pour atteindre ces objectifs, de nombreuses techniques sont disponibles, et des politiques internes de management permettent d’impliquer les salariés dans la démarche.

2. Quels sont les postes d’émissions de gaz à effet de serre dans une usine ?

Par ailleurs, il est important de se pencher sur les émissions carbones des sites, en analysant quels postes sont le plus consommateurs de ressources dans les usines. L’étude de EECO2 Ltd sur un site biopharma en Irlande, apporte un éclairage intéressant sur la répartition des dépenses énergétiques.

Sur ce site pharmaceutique, il est intéressant de noter, que le premier poste de dépense énergétique est l’HVAC. Cela semble logique tant le traitement de l’air est important, pour assurer les conditions adéquates pour la production d’un médicament injectable.
Cela dit, il est plus surprenant de voir que la production d’eau purifiée représente le deuxième poste de dépense, et surtout, représente 41.7% de l’énergie utilisée. A la vue, en général, des faibles volumes de produit fini dans cette industrie, cela paraît être un volume énorme. L’eau utilisée dans le produit est une part infime de cette consommation, qui est généralement due à 80-90% aux opérations de nettoyage de type NEP (Nettoyage En Place).

Imaginons maintenant réduire cette consommation d’eau de nettoyage de moitié. Quel serait l’impact ? Il serait ainsi possible de réduire la consommation globale en énergie du site, d’au moins 20%.
Une aubaine au vu des objectifs affichés ! Cet objectif de réduction, c’est celui que s’est fixé Richard Hall Hall , lorsqu’il a proposé de créer un groupe au sein de l’ASTM International, afin de travailler sur le développement d’une norme : New Guide for the Design of Clean in Place-Friendly Equipment for Pharmaceutical and Biopharmaceutical Applications (CbD Clean by Design).

Ce collège d’industriels travaille depuis 2 ans sur ce guide à paraître prochainement, énonçant les bonnes pratiques, afin de prendre en compte, dès la phase de conception, la nettoyabilité (e.g. la capacité à rendre un nettoyage efficace et reproductible) des équipements (cuves) et des tuyauteries process. Il est fort à parier qu’il va être considéré de près par tous les industriels du secteur. En effet, on annonce une réduction de l’ordre de 50 à 80% selon les process et les pratiques.

Ces engagements sont en premier lieu basés sur les scopes 1 et 2 du bilan carbone, c’est à dire l’émission de gaz à effet de serre directe (Scope 1), et l’émission liée à l’énergie du site de production (Scope 2). (Voir Fig.3). La plupart des industriels ont pris des engagements pour les 15 prochaines années, pour la réduction voire la neutralité carbone à horizon 2030 ou 2050. Cela commence en général (et parfois cela se résume) au niveau des Scopes 1 et 2.

3. La démarche Clean By Design

L’application de la méthode Clean By Design, qui vise à réduire de manière importante la consommation d’eau à haute valeur ajoutée : Water For Injection (WFI) lors des phases de nettoyage, peut apporter aux industriels un gain intéressant du point de vue de la consommation d’énergie, mais ce n’est pas la seule conséquence. En effet, l’optimisation de la nettoyabilité (ou Clean By Design), aura pour influence, de réduire considérablement les temps de nettoyage, et les arrêts de production entre 2 lots. Qu’en est-il de ces arrêts aujourd’hui ?

Le Tableau 1 reprend tous les facteurs qui entrent en compte dans le calcul de performance d’une installation industrielle. Parmi les 6 causes de perte de performance, les temps d’arrêt pour les phases de nettoyages sont catégorisés en arrêt planifiés mais inévitables un fois l’installation réalisée (en bleu dans le tableau).

Une étude intéressante menée par le prof. Dr Thomas Friedli, de l’université de St. Gallen en Suisse, a montré, selon les données obtenues de plusieurs sites de fabrication d’injectables en Suisse, que les temps d’arrêts inhérents aux nettoyages, représentent en moyenne 20% du temps total calendaire :

L’optimisation Clean by Design (CbD) permettant de viser une réduction des temps de 50 à 80%, apportera un regain de productivité d’au moins 10%.
Cela ouvrira sur une conception différente des installations, qui aura pour conséquence d’impacter le dimensionnement des utilités : Si l’installation se nettoie et stérilise plus rapidement avec moins d’eau, il est possible de sous-dimensionner l’équipement de production d’eau et de vapeur.

Le potentiel de la ligne de production étant également amélioré (en passant de 20% à 8-10% d’arrêt pour la maintenance), c’est le dimensionnement global qui pourra être repensé (taille de lot, …) Et ce ne sont pas les seuls avantages. La plupart des industriels travaillant en multiproduits déclarent avoir recours au :

  • Nettoyage hors ligne (COP), et changement planifié des élastomères (pièces d’étanchéité comme les joints et les membranes) à chaque changement de produit
  • Au CIP par “overkill” : pour compenser la faiblesse du design (en termes de nettoyabilité) de la ligne de production, on augmente la température, le débit, ou le niveau de détergent lors du CIP.

4. Comment mettre en place cette approche ?

Il est intéressant de s’inspirer de la démarche Quality By Design. L’idée est d’impliquer les équipes dès la phase de projet, d’augmenter ses ressources en amont, afin d’en obtenir les gains au moment de la qualification.

L’approche QbD est aujourd’hui communément acceptée. L’idée de l’ASTM E2500, est de mettre en œuvre d’avantage de ressources en amont d’un projet de réalisation de ligne, afin d’optimiser les systèmes pour améliorer la qualité du produit :

ASTM E2500 est une norme décrivant une approche de spécification, de conception et de vérification des équipements et systèmes de production du domaine Pharmaceutique / Biotechnologie. Elle s’applique aux équipements ; systèmes/processus ; utilités (Industrielle, propres) ; systèmes de laboratoire ; systèmes informatisés et automatisés pouvant affecter la qualité du produit et la sécurité du patient. (source site A3P : https://www.a3p.org/astm-e2500-lets-cross-the-bridge/)

Le Quality byDesign est un changement d’état d’esprit.
La démarche Clean By Design consiste a appliquer une méthodologie spécifique dans le but d’améliorer la nettoyabilité (en plus de la qualité). Cela peut tout-à-fait être mené en parallèle du QbD car les démarches sont complémentaires.
Le résultat est multiple, puisqu’il permet à la fois d’améliorer les temps de nettoyage, donc d’optimiser la disponibilité de l’équipement pour du temps de production, mais également de tirer des bénéfices substantiels tels que la diminution de consommation d’eau et de détergent. Cela aura pour incidence de préserver les élastomères (joints, membranes), et aura une répercussion sur la maintenance (préventive et curative), ainsi que sur l’assurance qualité (rendre un nettoyage robuste va fiabiliser le process CIP/SIP).
Dans une approche actuelle, en phase projet, toutes les étapes nécessaires au bon fonctionnement, mais qui ne sont pas des étapes de “valeur ajoutée” au produit, ne sont pas ou peu considérées.
Ainsi, la phase de nettoyage ne sera abordée qu’au moment de la FAT (Factory Acceptance Test), après la réalisation de l’équipement. Voici un diagramme simplifié présentant la démarche de validation :

L’URS est bien souvent écrit par un tiers, et ne spécifie bien souvent, peu voire aucun requis sur la nettoyabilité (ni notion d’efficacité, ni détail sur les résidus ou les produits à nettoyer).
Selon l’approche traditionnelle, un essai à la riboflavine est effectué en fin de fabrication de l’équipement/ligne. Il s’agit de lancer un cycle et de vérifier la mouillabilité de toutes les zones par le fluide, à l’aide des buses. L’objectif de ce test est de vérifier que le liquide entrera en contact avec toutes les surfaces.

Mais ce test a ses limites : les zones d’ombres (zones non-aspergées) seront détectées, mais on ne vérifie aucunement le nettoyage. En effet, des zones grises comme des bras morts (selon les normes en vigueur, l’acceptabilité est un bras mort de l/d = 2), répondront positifs aux tests Riboflavine, grâce à l’impact par rebond du jet.

Ces zones restent néanmoins difficiles à nettoyer, et nécessitent un débit, une température plus haute, ou un détergent plus concentré. Ainsi à l’étape suivante, l’équipe validation devra définir une recette de CIP plus agressive (consommatrice d’énergie et de temps) afin de trouver la solution aux faiblesses de l’architecture.

Ainsi, tous les services liés à l’exploitation opérationnelle et support, tels que le service production, l’assurance qualité, la maintenance, auront des actions correctives à mener, liées à la faiblesse de l’architecture initiale.

La démarche Clean By Design, vise à revoir l’organisation pour intégrer dans la phase projet, des experts de chaque domaine (AQ, maintenance, process). L’objectif est de définir des exigences de nettoyabilité dès la phase de rédaction d’URS.

Ainsi pourront être menées des études pour vérifier la nettoyabilité du produit (test sur les matériaux, …) et l’optimisation de l’architecture pour le nettoyage en place et la stérilisation en place : suppression des bras morts. L’outil pour mener à bien cette démarche, est un guide à paraitre début 2024 (en cours de relecture) : STM E55-11 Clean By Design.

L’objectif de ce guide est de définir les termes liés à la nettoyabilité : qu’est-ce qu’un design aseptique, ou la nettoyabilité d’un équipement ? Il donnera une liste de requis, recommandations pour l’élaboration des URS. Par exemple, la définition des indicateurs qui permettront de mesurer l’efficacité du nettoyage (temps de nettoyage, % d’occupation de la ligne pour les opérations de CIP).

Il aidera à la fois à définir les tests qui valideront le nettoyage (des études plus poussées que le simple test de “coverage” à la riboflavine), et donnera des conseils concrets pour optimiser le design.

5. Et concrètement, quel est l’impact des améliorations de design sur la nettoyabilité ?

Prenons l’étude menée par l’ASTM (STP-PT-065 en 2013), qui étudie la vitesse d’humidification d’une branche conçue selon les concepts communément admis de ration L/d=2. Ce ratio permet difficilement de mouiller les surfaces (ne parlons pas de les nettoyer) en utilisant la vitesse recommandée de 1.52m/s.

Des exemples de ratio L/d=2 communément rencontrés dans des installations

Pour évaluer l’impact du ratio L/d sur le nettoyage, nous avons décidé de mener nos propres expérimentations. Sur un couvercle plat sont disposés des piquages ainsi qu’une connexion pour une boule de lavage. Sur les piquages affleurants sont montés des tubes de ratio L/d variant de 0 à 3 (en effet, le cas du vent valve ci-dessus, correspond quasiment à 3d.)

Les tubes ont été enduits d’une solution saturée en sucrose, soluble dans l’eau et colorée.

Un test de mouillage classiquement réalisé sur ce type d’installation note naturellement un résultat positif sur toutes les configurations, et ce après 30 secondes de nettoyage.
Lors du test équivalent réalisé avec la solution, le résultat est édifiant.

A L/d=0, 35 secondes suffisent. Cela passe à 4min30 pour L/d=1, 13min à L/d=2 et même 58 minutes à L/d=3.
Ce test démontre la nécessité de remettre en question les modèles établis, et considérer la nettoyabilité comme un indispensable d’un URS. En effet, on imagine aisément les économies réalisées, lorsque le nettoyage est rendu plus rapide : moins de temps, moins de produits chimiques (l’action mécanique étant plus efficace en impact direct), moins de température.

6. Conclusion

Au vu des enjeux actuels, le guide Clean By Design arrive à point nommé pour mettre en place ces démarches, afin de dépoussiérer des designs qui ont peu évolué ces 40 dernières années.
Rendre les installations pharmaceutiques nettoyables plus rapidement et en consommant moins de ressource, aura pour effet de limiter l’empreinte carbone des installations. Ce virage à adopter en termes de conception, se fera à l’aide nouvelles technologie (comme les vannes à membranes permettant les connexions sans bras mort, et la diminution des volumes de rétention résiduels) mais surtout un changement des habitudes et des dogmes. Le gain pour l’utilisateur, en vaut la chandelle (selon nos estimations, le retour sur investissement CAPEX, se fera en quelques semaines tellement le coût OPEX est réduit une fois en service).

Ce virage amorcé sera également une occasion pour les utilisateurs, de reconsidérer leurs choix technologiques entre l’approche « single-use” et “installation durable”, qui doit être définie selon le type d’installation (mono ou multiproduits) et également, la différence d’empreinte carbone entre les 2 solutions, puisqu’il s’agit d’une des priorités des années à venir.

Pictogramme La Vague 80 A3P

Ludovic HUGUENIN – PHARMASEP

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