Mise en œuvre d’un procédé de fabrication d’ingénierie tissulaire dans le cadre d’un MTI expérimental en thérapie cellulaire

CellProthera développe un concept thérapeutique unique de réparation tissulaire du myocarde après un infarctus sévère. Cette thérapie pourrait représenter dans certains cas une alternative efficace de substitution à la transplantation cardiaque. Cet article est écrit dans le cadre de la production de notre Médicament de Thérapie Innovante (MTI, or ATMP en anglais) issu de l’ingénierie tissulaire dont la résultante est une thérapie cellulaire. L’essai clinique de phase I/IIb nécessite non seulement la compréhension et la maîtrise de la cellule d’intérêt mais aussi la capacité technologique à obtenir la qualité souhaitée du produit fini.

De plus, dans notre cas, il s’agit d’être en mesure de certifier le lot de MTI afin de l’administrer à un patient, c’est pourquoi nous sommes établissement pharmaceutique et mettons en place un système de management de la qualité selon l’ICH Q10. Les référentiels principaux de nos activités sont, pour le médicament :

• l’Eudralex Vol.4 part IV dédié au MTI,
• l’ICH Q8(R2) – Pharmaceutical development,
• l’ICH Q6(R2) – Bonnes Pratiques Cliniques,
• et pour le dispositif médical l’ISO13485 : 2016, norme pour laquelle nous avons obtenu la certification en début d’année 2022 dans le cadre de la conception et développement de notre plateforme d’amplification cellulaire.

 

1. Introduction : recherche, développement puis…

 

La phase préclinique regroupe la recherche fondamentale puis la phase de développement du futur médicament. Cette phase pré-clinique se distingue par son lot d’incertitudes et de certitudes dont il faut faire le tri. La recherche en thérapie cellulaire est en mesure d’apporter l’innovation, mais encore faut-il que ces résultats soient robustes et transposables dans les phases ultérieures de développement du produit. La première étape est de démontrer que l’on est face à une découverte et à un mécanisme d’action encore mal établi ou non établi, mais ayant un potentiel pour la première phase de développement du futur médicament biologique. La littérature et les publications sont des données d’entrée essentielles afin de prendre une orientation et d’être en phase avec les connaissances les plus récentes. Cependant, il est très difficile de vérifier la qualité et la robustesse des données issues des publications. Elles sont une orientation et une aide à la décision sur le sujet d’intérêt. Établir une R&D robuste au sein de son entreprise prend tout son sens car elle constitue le socle des étapes futures. Elle doit être structurée et cohérente pour créer les fondations du cycle de vie du médicament. Il s’agit initialement d’établir la preuve de concept permettant d’amorcer les étapes de développement. Le défaut des phases de recherche et de développement peut rapidement être le manque de traçabilité des données et le manque de méthode. Ce défaut est lié au manque de ressources ayant une expérience de structuration et d’organisation des données permettant leur transformation sur une étape de développement ultérieur. Il s’agira d’apporter la preuve de la robustesse des données brutes issues de la R&D et ce suffisamment tôt afin de mieux structurer le développement du produit et préparer son essai clinique.

Dans une structure de type start-up, toute recherche est liée à deux facteurs primordiaux que sont le budget et une date butoir permettant d’obtenir, ou pas, les résultats escomptés. Lors de la création d’une startup santé, encore trop nombreux sont ceux qui ne mettent pas en place de système de management de la qualité adapté à leur structure. Celui-ci est pourtant une des clefs permettant d’assurer l’intégrité des données générées par la recherche. Il ne s’agit pas de devenir établissement pharmaceutique immédiatement car cela induit une organisation et des coûts qu’une petite structure ne pourrait absorber. Mais, il s’agit d’établir une stratégie de développement cohérente avec son produit et d’assurer le rationnel de chaque décision. Se doter d’un premier système de management de la qualité (SMQ) et de gestion des données adapté à son besoin est crucial pour structurer et organiser ses processus. La transposition du procédé de fabrication de la paillasse vers une production clinique peut-être un échec si la gestion des changements n’est pas mise en place et si la méthodologie d’investigation reste insuffisante. La connaissance du monde industriel est un atout pour une startup issue du monde académique et ceci passera par une gestion des compétences appropriées en fonction de la vitesse de développement du produit. Le bon recrutement au bon moment et la formation pertinente du personnel permettront d’intégrer rapidement les enjeux à venir afin de provoquer la réussite. Pourquoi intégrer au plus tôt les exigences pharmaceutiques ? Tout simplement parcequ’il s’agit du développement d’un médicament et que le développement n’est qu’une des étapes du cycle de vie du futur produit. Pour le Médicament de Thérapie Innovante, il est très clair qu’aujourd’hui tous les principes des médicaments chimiques ne sont pas transposables. La compréhension des voies de signalisation cellulaires et les mécanismes d’action conduisant à la médecine régénérative ne peuvent faire l’objet de certitude dans leur totalité. C’est pour cette raison que depuis le 6 mai 2019, les Bonnes Pratiques de Fabrication ont été modifiées afin d’intégrer leur partie IV, partie dédiée au Médicament de Thérapie Innovante.

 

2. Développement pharmaceutique, Quality by design

 

Au plus tôt, lors du développement du produit, il s’agit d’avoir une compréhension scientifique de chaque étape et de chaque élément entrant dans le procédé de fabrication. Il ne s’agit pas seulement d’expérimenter, observer et juger d’un résultat satisfaisant. Autrement dit, chaque manipulation ne devra pas uniquement faire l’objet d’un plan d’expérience donnant un résultat, le mécanisme ayant conduit au résultat escompté est à établir selon la capacité de la science à le faire. Il s’agit d’apporter l’explication nécessaire au résultat obtenu afin de pouvoir piloter son procédé de fabrication. Les données brutes des résultats sont à vérifier et les principes d’intégrité des données à mettre en œuvre afin de garantir la robustesse de ces données. Il faudra considérer les matières, les contrôles en cours de fabrication, les spécifications sur les matières et le produit fini, les équipements et les locaux nécessaires au procédé dans le but d’ajuster leur niveau d’assurance qualité en fonction du stade de développement. Trop souvent, il est dit que la biologie est différente de la chimie et que la variabilité biologique ne permet pas d’identifier les attributs et paramètres (CPP : critical process parameter, CMA : critical material attribute, CQA : critical quality attribute) sur les matières et procédés. Les attributs critiques ne sont peut-être pas identiques au médicament chimique mais les principes de l’ICH Q8(R2) – Développement pharmaceutique sont totalement déclinables à la thérapie cellulaire. Par exemple, comme CQA, on identifiera des CQA comme la viabilité ou la pureté du produit. Concernant la pureté, on ne déterminera pas des impuretés cellulaires tel qu’on le ferait avec des impuretés chimiques, on établira des populations cellulaires accessoires ayant chacune un effet synergique dans l’activité thérapeutique du produit et ceci selon leur proportion. Autre exemple, dans le monde de la chimie, le CPP est souvent physique et rapidement identifiable (Température, temps, vitesse…), en thérapie cellulaire il faudra prendre en compte d’autres paramètres comme un ratio entre récepteur et ligand.

 

2.1. Déterminer le profil cible de qualité du produit

La première étape est de définir le profil cible de qualité du produit souhaité (QTPP) en termes de qualité, d’innocuité et d’efficacité, en tenant compte notamment de la voie d’administration, de la forme, de la posologie, de la biodisponibilité, de la concentration et de la stabilité du produit. Ceci est facile à écrire mais tous ces points seront connus au fur et à mesure des phases de développement et avant la Phase III de l’essai clinique. Sur ces points, il ne faudra pas sous-évaluer le travail et les budgets nécessaires. Il faudra identifier et définir les CQA du produit fini avant la prise en compte de la gestion du risque, leurs spécifications en termes d’intervalle en définissant un rationnel pour chacun. Pour identifier nos CQA, nous nous sommes appuyés sur la gravité potentielle du préjudice subi par un patient (sécurité et efficacité) en cas de dérive du CQA.

Puis chaque étape de la recette de fabrication fait l’objet de l’identification des CMA et CPP. Il faut alors établir leurs liens fonctionnels les uns par rapport aux autres et les coter en termes de niveau de risque et d’impact sur les CQA du produit fini. Concrètement et pour exemple, dans le cadre de la thérapie cellulaire vos CQA principaux sont la viabilité, la concentration (dose ou count) et la pureté du produit fini. Il y en aura d’autres à déterminer notamment sur des populations accessoires (Monocytes, Granulocytes, etc.). Les CPP et leurs spécifications sont à déterminer. Pour chaque CPP nous apporterons le rationnel de celui-ci. Aurez-vous besoin de 8 ou 21% d’O2 ? Pendant combien de temps votre produit pourra-t-il être manipulé à l’extérieur de votre incubateur ? Concernant, les CMA de la matière première de départ et sa capacité à entrer dans le procédé de fabrication (potency), ils devront être connus lors de la Phase II de l’essai clinique. Dans notre cas, la matière de départ est d’une qualité intrinsèque variable de par son origine biologique humaine. A titre d’exemple, chaque individu cicatrisera de manière différente selon son âge et ses pathologies (diabète, syndrome inflammatoire, etc.). Il en est de même pour la cellule souche, l’historique du patient (tabagisme, alcoolisme, prescription médicamenteuse…) et son génome auront une incidence sur le potentiel d’une cellule à se diviser et se différencier. Afin d’assurer la qualité requise de notre matière première de départ, le test de potency également appelé test d’épreuve biologique est un prérequis afin d’aborder la phase III de l’essai clinique. On peut définir le test de potency comme la preuve de l’activité biologique d’un produit qui reflète l’aptitude ou la capacité de ce produit à obtenir un effet biologique défini.

Le dernier sujet, et non le moindre, est d’adapter sa stratégie de contrôle au produit et au risque. Ce point est critique avec comme objectif la certification du produit pour son administration et ceci avant résultat analytique complet. Il faut assurer un degré de maitrise, robustesse et confiance dans le procédé. Sur notre typologie de produit, plus le nombre de points de contrôle est important, plus la probabilité de contamination augmente. En effet, chaque manipulation induit un risque de détérioration matière (ex : contamination microbiologique ou particulaire lors de la percussion d’un septum, choc hyperoxique en cas de temps de manipulation trop important en dehors des conditions environnementales requises pour l’amplification cellulaire). Il s’agit de minimiser le risque de contamination du médicament de thérapie innovante en décrivant et justifiant les grades matières (ex : Reseach Use Only, GMPlike ou GMP), les spécifications sur les matières et les contrôles à mettre en place sur la matière première de départ, les excipients, les produits intermédiaires et le produit fini. Pour les In Process Control, il faudra déterminer notamment les étapes critiques de votre procédé de fabrication. Pour ceci, l’analyse de risque est un outil clef. C’est un travail d’équipe et d’experts.

 

2.2. Control Strategy

Lors du développement du médicament, la stratégie de contrôle du produit sera optimisée en parallèle de l’avancement de la compréhension et de la maîtrise du procédé. Les points de contrôle sont alors réduits, modifiés et optimisés. Tel que décrit dans la Pharmacopée européenne, les risques critiques du contrôle microbiologique se situent à 3 niveaux. Le premier risque de contamination est lors du prélèvement du tissu. Nous nous situons avant la mise en œuvre du procédé de fabrication. Un échantillonnage de sang doit être réalisé selon les Bonnes Pratiques de Prélèvement avec un équipement maintenu, vérifié et étalonné. Le personnel doit être formé et habilité au prélèvement. La méthode de prélèvement, les conditions environnementales pendant le prélèvement du tissu ainsi que les conditions et la durée du transport du tissu vers l’établissement de fabrication sont des facteurs ayant un impact sur le risque de contamination. La seconde étape est l’étape de transformation du tissu soit le début du procédé de fabrication. Au début de cette seconde étape, il sera mis en place un contrôle microbiologique sur la matière première de départ afin de distinguer une contamination lors du prélèvement, ou lors des étapes de production. L’échantillonnage est important car il conduira à des analyses sur l’ARN, le caryotype, le contrôle microbiologique en cours de fabrication et en fin de fabrication. Pour les contrôles microbiologiques en cours de production, ceux-ci sont réalisés pendant la fabrication du MTI souvent avant et après une étape critique, à titre d’exemple un lavage ou un changement de milieu de culture. Ces contrôles sont d’autant plus importants dans le cas où le produit fini de thérapie cellulaire ne peut pas faire l’objet d’une étape de stérilisation terminale. Ceci permet d’assurer la qualité du produit afin que le certificateur du lot puisse libérer le MTI avant que les résultats du contrôle qualité terminal ne soient connus et approuvés. A titre d’exemple, les résultats d’un MAT sur le produit fini seront disponibles une semaine après la mise sous forme pharmaceutique, c’est-à-dire au-delà de la stabilité d’un produit frais. Le système de management de la qualité doit être structuré afin d’apporter la démonstration de la robustesse et reproductibilité du procédé afin que la certification soit effectuée.

Pour le contrôle final, il est recommandé d’établir son rationnel sur les choix des méthodes utilisées. Il s’agira de savoir pourquoi on choisit tel type d’analyse plutôt qu’une autre. Par exemple, lors de la mise en place d’un test de détection des pyrogènes, la question se pose souvent sur le choix entre LAL ou MAT. On regardera alors qu’elle est la cible marché sachant que le MAT n’est pas reconnu aux Etats-Unis. Pour l’Europe, on analysera le risque de tel ou tel type de pyrogènes (ex : allergènes) selon la typologie du produit (autologue ou hétérologue) et on s’assurera de l’état de l’art des pratiques dans la littérature et les guidelines. Après une évaluation rigoureuse du procédé de fabrication, un MAT pourrait se révéler non pertinent pour un produit autologue. En effet, les pyrogènes endogènes appartiennent à la matière première de départ issue du patient lui-même, le risque est donc minimisé et maitrisé si on démontre qu’ils ne sont pas amplifiés lors de la fabrication. Des substances pyrogènes microbienne en raison de contamination extérieure et non microbiennes pouvant provenir de particules de caoutchouc, de particules de plastique microscopiques ou de composés métalliques présents dans les élastomères sont à identifier. Les pyrogènes exogènes doivent être connus et évalués lors du développement par des tests analytiques en adéquation avec leurs origines. Jusqu’à la fin de phase II de l’essai clinique, on considérera les microorganismes et impuretés microbiennes connus, et sans s’y limiter, on ajoutera sans aucun doute les essais des endotoxines, mycobactéries et mycoplasmes. La stratégie de contrôle du produit ne se limite pas à l’aspect microbiologique, les différents paramètres environnementaux (O2, CO2, nutriments, glucose, pH…) doivent être établis et suivis.

2.3. Pilotage du procédé

A ce jour, la majorité des procédés de fabrication en thérapie cellulaire ne permettent pas d’avoir une visibilité sur la qualité du produit en cours de fabrication entre le premier jour et la fin de fabrication. Les améliorations technologiques sur le procédé doivent permettent de gagner en visibilité pendant la fabrication afin d’éviter l’OOS qui sera découvert uniquement lors du contrôle qualité au dernier jour de production. Afin d’accéder au pilotage du procédé et non pas à une vérification périodique de celui-ci, il est optimal d’intégrer des boucles de régulations permettant d’assurer une robustesse du procédé et une qualité constante du produit fini. Quelques exemples, le milieu de culture contiendra du glucose qui sera assimilé par les cellules afin de leur fournir l’énergie utilisable pour leur maintien, leur division et leur différenciation. Les cellules utilisent le glucose et par leur métabolisme, l’acide lactique augmentera dans le milieu de culture lors de la production. Un des risques serait alors que la concentration de glucose soit trop faible ou trop importante dans le milieu à un moment donné de la production, et ceci en lien avec la concentration en O2. Des ratios glucose/O2 inappropriés ralentiront ou arrêteront le procédé de fabrication et conduiront à un produit hors spécifications. La boucle de régulation permet alors le maintien de la concentration adéquate en glucose et de la concentration en O2 afin d’éviter la découverte de l’OOS lors du contrôle qualité avant certification. La boucle de régulation ne remplace pas le contrôle en cours du produit car il est obligatoire et essentiel à l’investigation à la suite d’une non- conformité en production ou d’un OOS. Afin de prendre une décision sur la qualité du produit et d’améliorer le procédé, il est impératif d’identifier quand et pourquoi la déviation est apparue sur le procédé.

 

3. Le Quality Management Système. A chaque étape de développement, son système de management de la qualité

 

Il faut préparer son entreprise à la marche à franchir vers le médicament et ceci en intégrant au business plan de l’entreprise la planification de la mise en place de l’établissement pharmaceutique qui se fera sur de nombreux mois afin d’apporter la conformité aux référentiels applicables et opposables avant la demande d’ouverture de l’établissement et sa première inspection. Tout bon système qualité passe par un management de proximité et d’accompagnement des personnes afin de démontrer le bénéfice du QMS dans leur travail quotidien mais aussi dans le cadre de la pérennité de l’entreprise. Lors des étapes de recherches non cliniques du médicament, les Bonnes Pratiques de Laboratoires (BPL) permettent d’établir un premier système organisationnel qualitatif. Le système documentaire pourra naître et grandir au fur et à mesure des besoins et exigences.

 

3.1. La gestion des données brutes et l’intégrité des données

Concernant la gestion des données brutes en R&D, le cahier de laboratoire reste une référence mais il demande beaucoup de rigueur afin qu’il puisse être suffisamment structurant et par la suite correctement complété afin d’assurer la traçabilité et la compréhension des données par un collègue quelques années après l’expérimentation. Le risque du cahier de laboratoire est la perte de l’information et de la bonne compréhension du protocole d’expérimentation et de ses résultats. Une donnée dite ALCOA (Accurate, Legible, Contemporaneous, Original, Attributable,) est exacte et complète. Les systèmes de gestion de la donnée et de leurs métadonnées permettent de garantir qu’elle ne subit aucune altération tout au long de son cycle de vie. Pour simplifier, le cycle de vie de la donnée débute lors de la génération de la donnée, passe par une ou des étapes de transformation (calcul par exemple), puis par son archivage et enfin sa destruction. Dès la R&D, la gestion des données brutes doit s’appliquer et l’intégrité des données est à mettre en place. Il ne suffit pas de publier un résultat, il faut être en mesure de pouvoir en prouver la véracité plusieurs années après et de le reproduire. Pour ceci, la première étape est de définir le protocole de l’expérimentation puis de le figer par une approbation avant de réaliser son expérimentation. Si le protocole n’est pas figé, comment analyser et motiver des déviations à ce protocole ? D’autant plus, que la déviation au protocole doit être prise comme un élément d’amélioration continue du procédé, cette déviation est souvent bénéfique. Il est donc vivement recommandé d’avoir un protocole puis un rapport. Le rapport permettra d’assurer la traçabilité de l’information pour les années à venir et les nouveaux projets. Les principes des EuGMP concernant la qualification/validation et les Bonnes Pratiques de gestion documentaire sont donc essentielles.

 

3.2. La gestion des fournisseurs et des sous-traitants

La qualification des fournisseurs et des matières chimiques ou biologiques recouvre deux aspects importants dans notre cas de figure. Le premier aspect est la qualification des fournisseurs afin d’assurer non seulement l’approvisionnement en matière par une contractualisation adéquate, de définir le besoin en termes de grade de la matière (RUO, GMP like, GMP, autres…) et le niveau de confiance que l’on est en mesure d’accorder au fournisseur. Selon ce niveau de confiance, le système de pilotage est ajusté. Augmenter son niveau de confiance envers un fournisseur passe par un pilotage fin du fournisseur ou de l’activité externalisées. On mettra en place le processus d’audit (agrément et renouvellement de l’agrément fournisseur), de réclamation et une SOP de gestion des fournisseurs et sous-traitants. Par exemple, la fréquence d’audit, le nombre de réunions de travail, ou le plan de testing des matières seront modifiés en fonction des KPI issus du pilotage. Il ne s’agit pas de croire sur parole, que le fournisseur fournit une matière de grade GMP, il faut s’en assurer. La sous-traitance de fabrication pour une matière première, un milieu ou le produit fini nécessite des échanges réguliers, des réunions de partage de l’information qui nourrissent la réflexion et permettent d’avancer ensemble. Concernant la sous-traitance de fabrication, et lors de la détection de déviation en production ou d’OOS, il est nécessaire d’enregistrer l’incident dans son système qualité afin de le comprendre et de s’assurer d’obtenir l’entièreté du dossier permettant de mettre en place un plan d’actions pour le donneur d’ordre et son sous-traitant.

 

3.3. La gestion des changements

Il faut différencier la gestion du changement en R&D et celle du changement lors de l’essai clinique. Lors d’un changement en R&D, celui-ci est tracé et est évalué. Cet enregistrement permettra lors de l’essai clinique de tracer les décisions prises et de pouvoir revenir dessus par la suite. Les décisions prises induisant des changements à petites ou plus grandes échelles sont nombreuses en R&D et il faut laisser une trace écrite afin de pouvoir réévaluer la qualité du protocole, la qualité des résultats et d’éviter de réitérer des expérimentations inutilement dans le futur. Ceci pouvant arriver fréquemment par le turn-over des équipes et la perte de mémoire de l’activité qui en est la conséquence. Pour le changement opéré dans le cadre du MTI, dans un cadre pharmaceutique, le niveau d’information est forcément plus important et l’analyse d’impact sera plus fine. Lors d’un changement en lien avec l’essai clinique, chaque décision peut impacter le procédé de fabrication et le produit. Il faut alors impérativement caractériser le changement de par son niveau d’impact sur le procédé ou les processus considérés. Il faut définir le plan de tâches de son changement d’une manière précise avec les spécialistes et les responsables du sujet. Le changement souhaité peut donner lieu à une modification du dossier du médicament expérimental (IMPD) qui aura une répercussion sur la production après son acceptation par l’agence de santé. Il faudra prévoir un temps incompressible de revalidation d’une ou plusieurs étapes de production. Un changement plus modeste ayant un impact documentaire, peut également toucher le procédé de fabrication et entraîner une nouvelle validation d’une étape ou de plusieurs étapes du procédé de fabrication. Pour exemple, la modification d’une méthode de décongélation d’un milieu n’entraînera pas de modification de l’IMPD, car il ne s’agit pas d’une modification substantielle du procédé déposé. Cependant l’étape de décongélation devra être re-validée selon la nouvelle méthodologie avant d’approuver son utilisation en routine.

Le facteur clef pour passer de la R&D à la production d’un médicament expérimental est la capacité de l’entreprise, du SMQ et des qualified persons à libérer les lots. Bien que l’annexe 16 des EuGMP ne s’applique pas à notre cas, nous ne pouvons que conseiller de lire et connaître cette annexe. Les EuGMP modifiées par la décision du 6 mai 2019 voient apparaître la partie IV dédiée au MTI. Concernant la certification du produit, le paragraphe 11 décrit les points spécifiques au MTI. Il faudra retenir que la QP a été formée de façon adaptée au produit. Il s’agit de comprendre et d’être en mesure de challenger les techniques biotechnologiques de transformation cellulaire, de caractérisation et de titrage de l’activité liées au produit fini. Une des caractéristiques principales de la libération du MTI est la libération et l’administration du lot avant l’obtention totale des résultats du contrôle qualité. Le produit étant frais et vivant, il aura une durée de stabilité entre quelques heures et quelques jours, les résultats microbiologiques seront disponibles après sa durée de stabilité. Il s’agit donc d’avoir un procédé robuste qui permet de garantir la qualité du produit afin de le certifier et le libérer. Il est recommandé d’avoir un maximum de consommables, de contenants, de systèmes à usage unique et que la majeure partie du procédé de déroule en phase fermée. Il doit être mis en place une procédure décrivant les mesures à prendre par tous les acteurs de la chaîne logistique jusqu’au patient dont le personnel clinique dans le cas où des résultats de tests s’avèrent non conformes après libération du produit.

Concernant le paragraphe 11.5 (part IV Eudralex Vol.4, EuGMP), son utilisation est à encadrer strictement. Ce paragraphe permet l’administration d’un produit non conforme à ses spécifications déposées sous certaines conditions. La gestion du risque est alors la base du raisonnement afin d’apporter une analyse et un rationnel suffisant au praticien et investigateur de l’essai. Un produit ayant une concentration ou un nombre de cellules légèrement inférieur à la spécification basse peut être administré. Dans ce cas, le produit ne pourra pas être certifié par la QP ni libéré par le promoteur de l’essai. Une demande d’approvisionnement du MTI est réalisée par l’investigateur de l’essai sur la base de l’analyse de risque transmise par le promoteur. Il est essentiel de prendre une décision éclairée par la balance bénéfice-risque pour le patient, selon le niveau de connaissance sur le produit et le risque interventionnel pour le patient dans le cas où il existe. Pour l’aspect transport puis dispensation du produit, les vérifications nécessaires sur la chaîne de distribution (vérification des courbes de températures selon les spécifications demandées par le guide ANSM “Le transport des cellules souches hématopoïétiques et des cellules mononucléées du site de prélèvement à l’unité de thérapie cellulaire – Octobre 2012”), sont à réaliser comme à l’habitude lors d’une certification d’un produit conforme. Le dossier de lot devra aller à son terme avec les éléments nécessaires. Ce type d’événement nécessite d’être anticipé et la rédaction puis la formation à une SOP dédiée est un prérequis. Cette SOP intègre que l’autorité compétente sera avertie de l’événement par le promoteur de l’essai clinique, et ceci avant l’administration du produit fini. Il ne s’agit pas de se limiter au texte du référentiel, il faut adapter la SOP aux spécificités du produit, de la chaîne de distribution et de son administration. Afin de pouvoir archiver le dossier, il faudra s’assurer que l’événement qualité (OOS) a été investigué selon une méthodologie robuste (selon FDA – Guidance for Industry Investigating Out-of-Specification (OOS)Test Results for Pharmaceutical Production) et qu’un plan CAPA soit proposé en fonction de la root cause déterminée. Il est reconnu, dans le cas des MTI, que des produits hors spécifications ne sont pas toujours imputables à des défaillances du procédé de fabrication mais par exemple, à des facteurs idiopathiques liés au patient, à une administration de médicament ayant une influence sur le potentiel de division et de différenciation cellulaire, ou bien encore à certaines addictions liées à la consommation de produits nocifs.

 

Conclusion

 

Nous avons développé les points qui me semblent demander le plus d’attention et de travail dans un cadre de croissance rapide d’entreprise afin d’apporter confiance, maitrise et qualité du produit fini. Mais il ne faut en aucun cas omettre que la conformité aux EuGMP Part IV passe par l’ensemble du référentiel. Le programme d’auto-inspection est à établir et à suivre, le cadre de la qualification/ validation des équipements, méthodes analytiques, des systèmes informatisés et du procédé de fabrication est à mettre en place et à piloter, ou encore que l’entreprise doit être en mesure de gérer un rappel de lot. Chaque mois par notre processus de veille nous étudions les injonctions et mettons au regard de celles-ci notre système afin de le challenger et de l’améliorer. Nous intégrons l’excellence opérationnelle à toutes nos pratiques et à notre gestion de projet. Et pour finir, et mener à bien notre projet de croissance, nous intégrons la passion de nos métiers et la passion pour l’humain et nos équipes. Générer la motivation, l’envie et la cohésion des équipes est le facteur clef de la réussite !

Partager l’article

Jean Olivier HIRSCH

Jean-Olivier HIRSCH

Voir le profil sur

Acronymes

ATMP Advanced Therapy Medicinal Products

BPF Bonnes Pratiques De Fabrication

BPL Bonnes Pratiques De Laboratoire

BPC Bonnes Pratiques Cliniques

CMA Critical Material Attribute

CPP Critical Process Parameter

CQA Critical Quality Attribute

EuGMP European Good Manufacturing Practices

GCP Good Clinical Practices

GMP Good Manufacturing Practices

GLP Good Laboratory Practices

IMPD Investigational Medicinal Product

KPI Key Performance Indicator

LAL Limulus Amebocyte Lysate

MAT Monocyte Activation Test

MTI Médicament De Thérapie Innovante

OOS Out Of Specification

QTTP Quality Target Product Profile

QMS Quality Management System

R&D Recherche Et Développement

SMQ Système De Management De La Qualité