Octobre 2024
La Vague n°83
EU GMP Annex 1 / Maitrise du risque patient ICH Q9(R1) / Digitalisation
Sommaire
- What does 21 CFR Part 11 mean in everyday online analytics?
- Digitalization in cleaning validation an overview of possibilities, challenges, and opportunities for savings?
- EU GMP Annexe 1. Mise en œuvre de la Stratégie de Contrôle de la Contamination
- Impact of the new Annex 1 on Sterile Filling
- The Challenges of Floor Cleaning & Sanitization
- Réduction énergétique des centrales de traitement d’air : comment adapter son monitoring environnemental ?
- USP <922> Water Activity: A Better Approach for Lyo Moisture Determination. Applications enabled by rapid non-destructive headspace moisture analysis of freeze-dried product
- Gestion durable de l'eau dans l'industrie pharmaceutique
- Rapid Testing for Cell & Gene Therapy Products: A Three-Level Approach Using an Automated Solid Phase Cytometry System
Gestion durable de l'eau dans l'industrie pharmaceutique
L’eau est une ressource vitale pour l’industrie pharmaceutique. Elle est utilisée dans diverses étapes de la production de médicaments. Cependant, depuis plusieurs années, notre industrie fait face à des défis majeurs en matière de consommation d’eau avec des impacts potentiels sur l’environnement et la durabilité.
Dans un contexte mondial où la rareté de l’eau devient une préoccupation croissante, l’adage “nous manquerons d’eau avant de manquer de pétrole” souligne l’urgence de repenser notre rapport à cette ressource précieuse.
Selon les Nations Unies, à horizon 2050, les 2/3 de la population mondiale sera touchée par le phénomène de stress hydrique lié d’une part à l’augmentation de la demande en eau, et la diminution d’autre part de la disponibilité de l’eau douce en raison des changements climatiques, de la croissance démographique, de l’urbanisation et de la surexploitation des ressources en eau souterraine et en surface.
Cette situation alarmante met en évidence la nécessité pour toutes les industries, y compris le secteur pharmaceutique, d’adopter des pratiques durables de gestion de l’eau.
A travers cet article, nous partagerons une cartographie moyenne des consommations d’eau dans l’industrie pharmaceutique, qui permettra de mettre en lumière les procédés les plus consommateurs, et explorerons des solutions parfois simples pour réduire l’impact eau, allant de la sobriété à la réutilisation et le recyclage.
1. Cartographie des consommations d’eau sur l’ensemble de la chaîne de valeur
La consommation d’eau dans l’industrie pharmaceutique varie considérablement en fonction des procédés impliqués et des étapes de production. Une cartographie détaillée de ces consommations est donc essentielle pour identifier les points les plus gourmands en eau et cibler les efforts d’optimisation à déployer.
En considérant l’ensemble du process de fabrication d’un médicament et selon plusieurs études, il apparaît que les ordres de grandeurs en matières de consommation d’eau se présentent de la façon suivante :
• Fabrication des principes actifs (25 à 35%)
La synthèse par voie chimique est la plus consommatrice en eau. La consommation est plus modérée lorsqu’il s’agit de processus de fermentation, dans ce cas elle est liée principalement à la préparation de milieu de culture. L’extraction végétale, quant à elle, est variable selon le procédé d’extraction.
• Formulation des médicaments (5-30%)
La consommation en eau lors de la formulation des médicaments est variable et dépend de la forme galénique et du process mis en œuvre. En ce qui concerne les formes solides (comprimés, gélules), la consommation est modérée. L’eau est utilisée pour le mélange et la granulation à hauteur de 5 à 10% environ.
Les formes semi-solides (gels, crèmes) consomment peu d’eau proportionnellement.
Quant à la consommation d’eau lors de la fabrication de produits stériles tels que les injections, les solutions ophtalmiques et les produits pour perfusion, elle est plus intense et peut même dépasser les 30%.
• Nettoyage en place (NEP) et stérilisation (15-20%)
Les NEP requièrent une quantité d’eau importante pour le nettoyage des équipements et des zones de production. La qualité doit également être adaptée à l’usage (eau purifiée/ eau pour préparation injectable). Le procédé de stérilisation à la chaleur est également impactant pour de la production de vapeur propre à hauteur de 5 à 10% .
et enfin,certains médicaments stériles nécessitent d’être lyophilisés pour améliorer leur stabilité. Ce process nécessite de l’eau pour la production de vapeur et de refroidissement également.
• Utilités (15-20%)
Les principales sources de consommations sont les systèmes de refroidissement des équipements et des procédés ainsi que les chaudières qui transforment l’eau en vapeur utilisée dans les procédés de chauffage, de stérilisation et de lyophilisation le cas échéant.
2. Cas particulier. La fabrication de médicaments stériles
La fabrication de médicaments stériles, ayant des exigences élevées en termes de maîtrise du risque de contamination, implique des étapes qui demandent des quantités importantes d’eau.
La consommation en eau, hormis le process lui-même, est dûe principalement au nettoyage intensif des équipements et des zones de production indispensable à la maîtrise de la contamination.
La production d’eau (EPPI essentiellement) et les utilités nécessaires au refroidissement et la production de vapeur sont également importants. de vapeur sont également importants.
Le graphique (Figure 2) donne une idée de la réparation des consommations en eau dans ce cadre.
3. Solutions pour réduire l’impact eau
Pour relever les défis liés à la consommation d’eau, l’industrie pharmaceutique met en œuvre diverses solutions allant de la sobriété à la mise en place de boucles de recyclage et réutilisation localisées.
A la lumière de la cartographie des consommations d’eau, il est judicieux de mettre en œuvre des solutions de réduction des consommations à la source au préalable.
Des pratiques concrètes peuvent répondre à ce besoin telles que :
• Optimisation des procédés de nettoyage en place (NEP)
L’utilisation de techniques de nettoyage optimisées, telles que le nettoyage par pulvérisation ou le nettoyage par circulation, peut réduire considérablement la consommation d’eau tout en maintenant une efficacité de nettoyage élevée. La remise en question des recettes existantes, bien que nécessitant des efforts réglementaires, documentaires et de validation peut s’avérer salutaire.
• Optimisation des procédés de production d’eau purifiée et EPPI
L’utilisation de technologies de purification d’eau à haut rendement, telles que l’osmose inverse à plusieurs étages et électrodéionisation+UF, combiné à un système de récupération et de traitement des concentrats, minimise les rejets d’eau et réduit la consommation d’eau globale de manière significative.
Le dimensionnement judicieux de installations, le mode de désinfection et sa fréquence peuvent également avoir un impact non négligeable sur les rejets d’eau non essentiels.
• Amélioration de l’efficacité des systèmes de refroidissement
L’adoption de systèmes de refroidissement à circuit fermé, de tours de refroidissement à haut rendement et de systèmes de récupération de la chaleur perdue contribue à la réduction de la consommation d’eau de refroidissement.
Par ailleurs, l’industrie pharmaceutique explore activement des solutions de récupération et de réutilisation comme moyen de réduire la demande en eau fraîche.
Les exigences réglementaires limitant l’usage d’eau retraitée en process, les exemples de réutilisation des eaux usées visent essentiellement des applications en utilités grises telles que :
• Eau de refroidissement
Les eaux retraitées peuvent être utilisées pour alimenter les systèmes de refroidissement, tels que les tours de refroidissement ou les échangeurs de chaleur, réduisant ainsi la consommation d’eau fraîche.
• Eau de chaudière
Après un traitement approprié, l’eau peut être utilisée comme eau d’alimentation pour les chaudières, produisant de la vapeur grise pour les procédés de chauffage.
• Eau de nettoyage
Les eaux usées traitées peuvent être utilisées pour le nettoyage non GMP des équipements, des zones de production et des surfaces non critiques
• Eau d’irrigation
Dans certains cas, les eaux retraitées peuvent être utilisées pour l’irrigation des espaces verts ou des cultures non alimentaires, contribuant à la gestion durable des ressources en eau.
De plus, la collaboration avec les parties prenantes pour une gestion responsable de l’eau est capitale pour une réponse efficace et durable. A titre d’exemple, les initiatives suivantes sont à considérer :
• Partenariats avec les fournisseurs d’eau et les autorités locales pour une gestion durable des ressources en eau et une réduction des impacts environnementaux,
• Sensibilisation et formation du personnel sur les bonnes pratiques de gestion de l’eau et la réduction des gaspillages,
• Engagement auprès des communautés locales pour promouvoir une utilisation responsable de l’eau et protéger les ressources en eau partagées.
Enfin, l’intégration de l’évaluation de l’empreinte eau dans les processus de décision est une solution responsable. En effet, ,le calcul
de l’empreinte eau des produits et des procédés de fabrication permet d’identifier les points chauds et les opportunités d’amélioration.
L’établissement d’objectifs de réduction et le suivi des progrès réalisés dans le cadre des programmes de développement durable vise à encourager toute initiative, et en quantifier les impacts. La prise en compte de l’empreinte eau dans la conception des nouveaux produits et procédés, permet de privilégier les options les plus durables.
4. Conclusion
En conclusion, la gestion durable de l’eau est un enjeu crucial pour l’industrie pharmaceutique, nécessitant une approche holistique et des efforts concertés.
En cartographiant les consommations d’eau, en identifiant les procédés les plus consommateurs, notamment dans la fabrication de médicaments stériles, et en mettant en œuvre des solutions appropriées allant de la sobriété à la réutilisation, l’industrie pharmaceutique peut réduire considérablement son impact sur les ressources en eau.
Bien que des défis subsistent, tels que les coûts d’investissement et les contraintes réglementaires qui limitent à ce jour le recyclage de l’eau dans les opérations critiques, les avantages environnementaux, économiques et sociaux de la gestion durable de l’eau sont indéniables.
Une gestion responsable de l’eau contribuera non seulement à la durabilité environnementale, mais aussi à la résilience et à la compétitivité à long terme de l’industrie pharmaceutique, dans un monde où la rareté de l’eau devient une préoccupation majeure.