Dormons tranquille jusqu'en 2100 ?

L’inspiration était grande, après la parution de l’article de Jean-Marc Jancovici dans un précédent numéro, de vous fournir un éclairage de ses propos et de les ramener plus proche de notre quotidien de producteurs pharmaceutiques et surtout de fournir des éléments plus tangibles à travers des chiffres de notre secteur. Cet article nous aidera à continuer la sensibilisation de nos lecteurs à l’importance du développement durable dans les approches de développement de nos usines.

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Nous prenons le parti de dire que vous avez tous compris qu’il faudra trouver une voie qui consomme moins de ressources tout en assurant les précieux approvisionnements de médicament dans le monde. Il est possible que le rationnement aille jusqu’à des modèles de décroissance. Mais alors comment vendre l’idée dans nos structures dirigeantes ? Cela ne fonctionnera que si cela part de la base. Pour établir cet élan de la base, voici quelques éléments de réflexion.

1. L’énergie

Comment diminuer la consommation énergétique des usines ?

C’est le premier cheval de bataille et celui qui résume tout ce que nous devons faire. C’est probablement là où nos esprits, pour la plupart de formation scientifique, vont nous aider à agir. Tiens, j’en profite pour vous donner un exemple récent pour des usines de production de médicaments aux Etats Unis. Les responsables “Facilities” ont découvert, dans une région bien exposée au soleil, qu’en peignant les toits en blanc, l’économie d’énergie pour climatiser était substantielle. Quand on voit le nombre de salle propres dans nos usines, n’y aurait-il pas des pistes de réflexion possibles autour de la climatisation ?

La rationalisation de l’utilisation de l’énergie est particulièrement intéressante d’un point de vue commercial, car elle contribue à réduire les coûts d’exploitation. Les politiques énergétiques globales dans le secteur pharmaceutique tendent à combiner l’utilisation de sources d’énergie renouvelables avec l’autoproduction et la réduction des besoins énergétiques dans le processus de fabrication. Le processus de fabrication pharmaceutique est énergivore, car l’énergie est nécessaire pour la plupart des processus, du chauffage et du refroidissement à l’humidification et au séchage de l’air. Pour réduire considérablement la consommation d’énergie, les fabricants doivent adopter une vision globale de leurs opérations, en évaluant la consommation d’énergie des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation qui représentent généralement 65 % de l’utilisation globale ainsi que des équipements tels que pompes à vide, régulateurs de pression et systèmes de pulvérisation.

L’introduction d’outils numériques et de l’intelligence artificielle (IA) peut conduire à des économies encore plus importantes, en permettant par exemple une surveillance constante des conditions de fabrication, afin de réguler la température ou la ventilation. En tirant parti des données générées par l’IA, les fabricants peuvent continuellement améliorer la gestion de l’énergie dans leurs installations.

2. L’eau

La pharma est un grand consommateur d’eau ; au-delà du nettoyage qui peut toujours être optimisé, l’eau peut être utilisée comme excipient, pour la reconstitution des produits, ou lors de la synthèse. 50% des entreprises pharmaceutiques ont déjà fixé des objectifs durs dans cette catégorie.
Les entreprises trouvent des solutions pour réduire leur consommation, mais aussi pour assainir et re-traiter l’eau. Par exemple, étant donné que les usines de fabrication utilisent différentes qualités d’eau, l’eau purifiée peut être récupérée et ré- utilisée à d’autres fins, où une qualité moindre est acceptable.

Pour donner un exemple pratique, l’eau purifiée utilisée pour le rinçage final de l’équipement peut être utilisée pour un pré-rinçage ailleurs. Une société internationale de génériques vise à atteindre 100% de “neutralité” de l’eau d’ici 2025, ce qui signifie que la quantité d’eau “récoltée” sera égale à la consommation d’eau douce. Plusieurs stratégies peuvent être utilisées pour atteindre la neutralité.

La Vague 76 A3p Dormons Tranquille Jusqu En 2100 Eau

Tout d’abord, les principes de “réduire, réutiliser et recycler” peuvent être mis en œuvre dans l’usine pour minimiser la consommation d’eau – comme dans l’exemple décrit ci-dessus. Deuxièmement, l’eau de pluie peut être captée et ré-utilisée pour minimiser davantage l’utilisation externe de l’eau. Troisièmement, les entreprises peuvent compenser leur consommation d’eau douce en investissant dans des projets de gestion durable de l’eau en dehors de leurs propres installations.

 

3. Les déchets

Là aussi, nous avons bien des interrogations. En effet, la médecine personnalisée qui progresse à grand pas passera certainement par une consommation importante de plastique (d’origine fossile). Est-ce que les objectifs de la médecine ne vont pas à l’encontre de cette réduction des déchets surtout si ces plastiques ne sont pas recyclables ?

Alors que 28 % des entreprises pharmaceutiques se sont fixées des objectifs de réduction d’au moins un quart de leurs émissions de déchets, leurs approches peuvent différer.
Certaines entreprises essayent d’éviter l’enfouissement et d’autres optent pour une stratégie zéro déchet. Il existe une incitation commerciale à réduire les déchets. Au Royaume-Uni, on estime que les entreprises consacrent généralement 4 à 5 % de leur chiffre d’affaires aux déchets – non seulement en raison de leur élimination, mais également en raison d’une utilisation inefficace des matières premières.

Les stratégies de lutte contre le gaspillage déjà éprouvées dans d’autres domaines peuvent être implémentées. Elles permettent d’éliminer l’utilisation inutile d’énergie et d’eau, ou du traitement des déchets.

Dans l’industrie pharmaceutique, cela pourrait inclure la meilleure gestion des médicaments qui ne sont pas utilisés avant les dates de péremption en raison d’une surproduction. Ou encore de faire attention à l’utilisation et à l’élimination des solvants. Les solvants représentent une part importante des déchets de l’industrie chimique et les entreprises n’en font peut-être pas assez pour améliorer l’efficacité de leur élimination, malgré les économies potentielles. D’autres mesures pour éliminer les déchets de manière durable tout en réduisant les coûts comprennent la séparation des solides pharmaceutiques des emballages, afin que les matériaux non dangereux puissent être recyclés en déchets généraux voire même être valorisés.

4. Les émissions

On estime que l’industrie pharmaceutique génère directement environ 52 mégatonnes d’équivalent CO2 par an, soit 55 % de plus que les émissions de l’industrie automobile, selon une étude réalisée en 2020 par l’agence internationale de l’énergie.
Cela exclut les émissions indirectes liées à l’énergie dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, pendant le transport ou la distribution.

Les entreprises pharmaceutiques font des efforts pour résoudre ce problème, et près de 70 % ont fixé des objectifs spécifiques concernant les émissions atmosphériques. Il est important d’adopter une vision holistique et nuancée des processus pour réduire les émissions globales.
Par exemple, le fret maritime peut être un choix plus respectueux de l’environnement que le fret aérien – le transport aérien émettant 63 fois plus d’émissions selon une estimation – mais il peut y avoir des inconvénients au transport maritime qui affectent les émissions globales. Outre les émissions de carbone, les sociétés pharmaceutiques évaluent également les rejets de polluants gazeux, tels que les gaz acides, les gaz basiques, les poussières et les aérosols, les “actifs” pharmaceutiques et les composés organiques volatils.

5. La gouvernance environnementale et sociale

Les raisons d’être des entreprises s’insèrent de plus en plus efficacement dans les établissements de stratégies de développement des activités. La gouvernance incluant des membres en charge de l’environnement et du respect des fondamentaux sociétaux aident à équilibrer les débats pour une prise en compte des réels enjeux de performance d’une entreprise. Et le secteur pharmaceutique est d’autant plus spécial sur ce sujet.

L’urgence climatique est aussi une urgence sanitaire. Un récent éditorial publié simultanément dans plus de 200 revues de santé reconnaît les dommages catastrophiques pour la santé causés par l’augmentation de la température et appelle à une action immédiate des gouvernements à la mise en place d’un système de santé écologiquement durable.
Les entreprises pharmaceutiques font partie intégrante de nos systèmes de santé mondiaux et contribuent de manière significative aux émissions de carbone.

Dans son rapport de 2021 Delivering a ‘Net Zero’ National service de santé, le NHS du Royaume-Uni attribue 25 % de son empreinte carbone aux médicaments. Reconnaissant qu’un petit nombre de médicaments représentent une grande partie de ses émissions, il reste encore 20% qui dérivent de la fabrication et du transport inhérents à la chaîne d’approvisionnement des produits pharmaceutiques.
Pour la plupart des organisations, les émissions nettes de carbone seront atteintes en s’engageant dans un processus de changement progressif. La fabrication de produits pharmaceutiques implique un mélange complexe de matières premières soumises à des processus thermiques, pneumatiques et électriques. Dans la mesure du possible, les fabricants cherchent à substituer des matériaux plus naturels et à électrifier davantage les charges.

Par exemple, en convertissant les processus et les parcs de véhicules alimentés au gaz, en utilisant la production sur site avec optimisation et le passage à l’énergie renouvelable. Les émissions des chaînes de fabrication, d’exploitation et d’approvisionnement ne sont qu’une partie de l’histoire lorsqu’il s’agit de l’empreinte carbone d’une entreprise.
Les émissions résultant de l’utilisation des produits pharmaceutiques peuvent être importantes. Par exemple, le gaz propulseur à base d’hydrocarbures utilisé dans les inhalateurs pour l’asthme est un gaz à effet de serre dont l’effet de réchauffement est 1 500 fois plus puissant que celui des autres gaz et plus puissant que le dioxyde de carbone. Les solutions de rechange qui utilisent des atomiseurs mécaniques ou électroniques sont donc à implémenter car plus durables.

Tout cela pour dire que les pistes pour guider notre industrie sont résumées ci-dessous et peuvent constituer une bonne conclusion à notre article. Si vous aimez ce sujet, parlez-en au comité de rédaction de La Vague et nous continuerons à fournir des écrits qui peuvent vous aider à faire changer notre monde.

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Pistes d’amélioration

• Investir dans des équipements en les optimisant et en réhabilitant des équipements vieillissants
• Changer de fournisseurs pour ceux qui fournissent la bonne solution mais s’engagent en même temps avec vous sur la réduction de la consommation énergétique
• Réduire la consommation d’énergie d’origine fossile. Pas le choix, la pénurie approche
• Investir dans l’expertise scientifique sur les sujets liés à l’énergie pour construire des modèles de mesure et surveillance • Aller vers le tout électrique à basse consommation

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