EU GMP Annex 1 (2022) : Aseptic Process Simulation (APS). De nouveaux ‘‘challenges’’ pour l’industrie pharmaceutique ?

Déjà près de 12 mois que l’Annex 1 “Manufacture of Sterile Medical Products” a été publiée, la date de mise en application de ce texte (25 août 2023) sonne officiellement le départ d’une nouvelle ère pour assister les autorités dans l’application de la réglementation européenne (et même très probablement au-delà de ce périmètre).

EU GMP Annex 1 A3p La Vague 2023 Fig0

Ce nouveau texte apporte sans aucun doute des informations supplémentaires et plus précises. Il tient compte des évolutions technologiques par rapport au texte précédent (version 2007 de l’Annexe 1). Par sa structure et par l’organisation en chapitres distincts, la clarté du texte a été considérablement améliorée.

Néanmoins des questions demeurent sur quelques thèmes dans sa mise en application. Pour cet article, nous souhaitons apporter une réflexion spécifique autour du chapitre 9 et plus précisément sur la partie Aseptic Process Simulation (APS) aussi connu sous l’appellation Media Fill Test (MFT).

1. Une évolution du texte bien accueillie

Le contenu de l’Annexe 1 a évolué de façon significative quantitativement et qualitativement. Alors que la version précédente couvrait les attentes pour les APS/MFT en 7 sections (7. & 66. A 70.), la dernière version de 2022 comporte environ 5 pages pour 18 sections (9.32 à 9.49). D’autres exigences sont également visibles dans d’autres chapitres tels que 7.4 Personnel “pour les accès non supervisés”, 8.16 pour “la liste des interventions évaluée par analyse de risque et APS “, ou le 8.139 concernant les Single Use Systems pour lesquels les opérations critiques comme l’assemblage ou les connexions doivent être vérifiées par APS. Ces développements du texte apportent des précisions, une directive et des principes dont la valeur ajoutée est indéniable. Les APS sont et resteront très certainement un système de l’Assurance de Stérilité scruté attentivement lors des prochaines inspections. L’objet de cet article est de s’interroger sur les changements apportés et d’évaluer si certains points spécifiques pourraient présenter de nouveaux défis lors de leur mise en œuvre, pour les fabricants de produits stériles dont le procédé est aseptique. Le texte apporte les principes essentiels pour préparer et conduire les APS. Toutefois l’APS reste un “challenge” car il s’agit d’un processus complexe, dont les principes doivent être adaptés spécifiquement à la réalité d’un procédé de fabrication. Cette adaptation doit considérer notamment la technologie barrière utilisée, l’organisation de la production (par campagne, en plusieurs équipes…), les composants utilisés dans le process ainsi que d’autres éléments spécifiques qui contribuent à l’assurance de stérilité du procédé de routine. C’est pourquoi la qualité de la documentation développée pour les APS doit être claire, robuste et bien étayée pour assurer un scénario et un déroulement qui répondent aux nombreuses attentes de la réglementation.

2. Une documentation d’APS soignée est essentielle

Si cette documentation associée aux APS est à discrétion de chaque fabricant, il est recommandé d’assurer une comparaison entre le procédé commercial et l’APS/MFT comprenant une analyse de risques incluant la justification de tous les paramètres retenus pour le scénario final de l’exercice de validation. Ainsi une documentation de qualité devrait être constituée de : la procédure site des principes de préparation et de réalisation d’un APS, d’une analyse de risques du process de production (routine versus APS) justifiée, d’un protocole de réalisation de l’APS, d’un dossier de lot adapté et spécifique, d’une documentation validation site type “Master Plan” et d’un rapport permettant de documenter et de s’assurer que les critères d’acceptation de l’APS pour sa validité et sa conformité sont atteints.

3. De nouveaux “challenges” pour la simulation des procédés aseptiques ?

L’APS est un des processus clé démontrant la performance d’un process de production en matière d’assurance de stérilité. La préparation de l’APS et sa mise en œuvre mettent à contribution une grande partie des départements d’un site de production et les principes définis pour son déroulement sont le fruit d’une réflexion collective et multidisciplinaire. Elle consiste à trouver le bon compromis entre conformité réglementaire, niveau d’assurance qualité attendu pour l’APS et niveau de performance industrielle conforme aux attentes de l’entreprise. Pour cet article, nous avons sélectionné trois sections de l’Annexe 1 issues de la partie APS. Leurs principes selon les interprétations pourraient avoir des conséquences sur l’interprétation réglementaire versus les choix faits par les industriels.

Les trois sections sélectionnées de l’Annexe 1 sont : section 9.36 xii et xiii (APS campaign including duration) ; section 9.38 (Consideration to perform APS after the last batch prior to shutdown) ; section 9.39 (APS for Manual Aseptic Operation).

9.36 xii & xiii : APS campaign

xii.…the process simulation so that it simulates the risks associated with both the beginning and the end of the campaign and demonstrating that the campaign duration does not pose any risk.”

xiii. “The performance of “end of production or campaign APS” may be used as additional assurance or investigative purposes; however, their use should be justified in the CCS and should not replace routine APS. If used, it should be demonstrated that any residual of product does not negatively impact the recovery of any potential microbial contamination

Cette section 9.36 dans son ensemble apporte une vraie valeur ajoutée pour élaborer un protocole APS. Les points xii et xiii, les deux derniers de cette section, induisent de potentiels impacts dans la structure des APS, notamment lorsque ceux-ci sont réalisés à l’aide des technologies barrière (principalement isolateurs) dont l’organisation en mode campagne est un principe très répandu. En considérant les exigences de ces deux points du chapitre 9 dont celle qui consiste à couvrir les interventions et risques associés au début de la campagne, et jusqu’à la fin de campagne : quelle serait une stratégie pertinente de validation initiale et de revalidation périodique de la durée maximum de campagne ?

Une campagne de fabrication commerciale correspond à une série de lots du même produit dans une période établie et validée.

Définition de l’Annexe 1 :

A manufacture of a series of batches of the same product in a given period of time with strict adherence to established and validated control measures“.

Dans le cadre d’un APS réalisé sous isolateur, la validation du procédé aseptique doit donner des garanties sur le contenu de l’entièreté de la campagne à savoir :

  • les risques associés au début (éléments stérilisés selon les exigences de la section 5.5 de l’Annexe 1 et/ou décontaminés par VHP) dont les risques correspondant à l’assemblage ou “set- up” ou les réglages de la machine, avant et après le cycle de bio- décontamination ;
  • puis la réalisation des interventions (section 9.34 interventions inhérentes & correctives, de façon représentative et selon leur niveau de risque) ;
  • jusqu’aux opérations de fin de campagne ;
  • et ceci en démontrant que la durée ne pose pas de risque spécifique pour le procédé aseptique.

Une des questions que nous nous posons est celle d’une interprétation possible de la nécessité de conduire chaque APS à la durée maximale de campagne pour une technologie barrière de type isolateur ?
Les isolateurs étant conçus pour présenter le niveau maximum d’Assurance de Stérilité pendant les opérations et étant destinés à fonctionner en mode campagne, il serait dommage de perdre un avantage compétitif du fait de l’utilisation d’une technologie barrière plus performante que d’autres sur le plan de l’Assurance de Stérilité. La répétition d’APS qui seraient réalisée selon la durée maximum de campagne pourrait avoir des conséquences importantes sur l’immobilisation des machines de remplissage pour la réalisation de ces APS (sur des durées de campagnes de plusieurs semaines par exemple) et donc sur les volumes de production de médicaments stériles, allant jusqu’à impacter leur disponibilité pour les patients. Tout consiste à bien évaluer les enjeux industriels versus le niveau de qualité requis.

4. Comment répondre au mieux à ce challenge ?

Assurément le nombre d’options possibles ou les avis sur le sujet sont multiples. L’utilisation du Quality Risk Management (QRM), principe majeur présent dès l’introduction de l’Annexe 1, est un outil précieux qu’il est recommandé d’utiliser dans notre cas. D’abord, l’objectif et le contexte pour lequel est réalisé l’APS pourrait être pris en compte : validation initiale ou revalidation périodique ?

  • Dans le cas d’une validation initiale (cas d’une nouvelle ligne par exemple) : du fait de l’absence de données historiques sur le process aseptique, par principe les trois APS de la durée de campagne maximum définie en routine (= nombre maximum d’équipes/shifts) seraient nécessaires.
    Cet APS comprendrait chacune des opérations réalisées lors du démarrage du lot, les interventions inhérentes et correctives avec une justification de leur représentativité (en nombre) couvrant les pratiques et besoins associés au nombre de lots maximum autorisés dans la campagne.
  • Pour une revalidation périodique (tous les 6 mois) : la nature de la technologie barrière ainsi que sa performance historique et démontrée en matière d’Assurance de Stérilité sont des facteurs qui pourraient être pris en compte pour assurer d’une part un APS robuste dans sa conception, tout en ne pénalisant pas significativement la performance industrielle en réalisant systématiquement un APS de durée de campagne maximale tous les 6 mois, d’autre part. Il est sans aucun doute possible, par exemple, de préparer un scénario APS pour les isolateurs qui couvrent les risques associés au début de lot, au nombre d’interventions à l’échelle d’une campagne et donc d’assurer un cas défavorable de revalidation avec une durée de remplissage suffisante sans toutefois être la durée maximale de campagne à chacune des réalisations. La revalidation avec une durée maximale de campagne ferait l’objet d’une requalification périodique. Cette fréquence serait définie et documentée dans la CCS puis serait basée sur des données historiques objectives traduisant la performance du process aspetique sur le plan de l’Assurance de Stérilité. Finalement, une fréquence minimale de revalidation périodique de la durée maximale de campagne serait définie et obligatoire, quelle que soit la performance historique du process en question.

Ce sujet mérite sans aucun doute un travail de fond et des recommandations concertées entre industriels et autorités de santé pour clarifier les pratiques de validation sur ce point.

9.38Consideration should be given to performing an APS after the last batch prior to shut down, before long period of inactivity or before and decommissioning or relocation of a line.

L’Annexe 1-9.38 avance un principe logique ; le mot “consideration” est adapté dans cette section 9.38. Toutefois, son interprétation induit un risque associé aux différentes situations décrites dans la même phrase :

  • Before decommissioning or relocation of a line“, dans ces situations la réalisation d’APS semble être incontournable et être une exigence systématique.
  • Prior to shut-down or long period of inactivity” sont des situations pour lesquelles le terme « consideration » prend tout son sens et qui nécessitent en fonction des circonstances une décision justifiée et documentée faisant suite à une analyse de risques quant à la situation spécifique en question. Il est donc important que cette section de l’Annex 1 soit appliquée en fonction du contexte en utilisant les principes du QRM.
  • Pour cette section, le contexte de production et le risque associé peuvent conduire à des exigences différentes de réalisation d’un APS. Pour cette section l’utilisation de QRM prend tout son sens.

9.39Where manual (e.g; aseptic compounding or filling) occurs, each type of container, container closure and equipment train should be initially validated with each operator participating in 3 consecutive successful APS and revalidated with one APS approximatively every 6 months …

Dans son principe fondamental, cette section semble relever du bon sens pour la maîtrise et la gestion du risque ! Néanmoins, cela reste une nouveauté réglementaire d’avoir une adaptation de cette fréquence de revalidation/qualification des opérateurs en fonction du type de procédé aseptique.

Dans le cas présent, le type de technologie (par exemple, technologie barrière) est-il pris en compte dans l’établissement de cette fréquence ? Cette exigence s’applique-t-elle de la même façon pour un procédé aseptique manuel réalisé sans barrière physique ou réalisée sous isolateur ou utilisant un “system clos” ? Comment la robustesse de la conception du procédé (par exemple utilisant un isolateur ou un system clos, …), “son design” ainsi que sa stratégie de validation/qualification sont-ils pris en considération vis-à-vis de l’impact potentiel direct que peut avoir un opérateur sur les opérations critiques ?

Pour un procédé manuel qui peut être une formulation ou un procédé vrac, ne devrait-on pas tenir compte du design du procédé et notamment du type de technologie barrière utilisé (par exemple un isolateur ou un système clos) pour définir selon une analyse de risque, la fréquence de requalification des opérateurs? Le cas contraire ne serait-il pas contre-productif par rapport aux principes supportés par l’Annex 1 ? A savoir choisir le meilleur design possible, une gestion du risque adaptée, une exécution supportée par des procédures robustes, un personnel qualifié et un process monitoring qui démontre une performance continue au niveau attendu ?

Conclusion

Comme souvent en matière d’assurance de stérilité, les nuances d’interprétation induisent des impacts parfois majeurs. L’APS en est, sur quelques points, un exemple qui a été pris dans cet article. Une nouvelle version de la réglementation est arrivée. Elle apporte sans ambiguïté beaucoup de clarté et de valeur ajoutée et son interprétation est en voie de se faire. Il est encore temps de poser des questions, de réfléchir et surtout d’apporter des éléments pour appliquer de façon pragmatique et cette nouvelle règlementation en se basant sur la connaissance des procédés. Et ainsi garantir à nos patients des médicaments stériles de grande qualité et issus d’une production industrielle compétitive.

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Nicolas BOURGEOIS

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Julien TRIQUET

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