Sommaire
- Dormons tranquille jusqu’en 2100 ?
- Deviations et CAPA Mindset Driving System
- Capa, Déviations, Évènements Qualité
- CAPA et Déviations
- Nouveau QMS ? Attention à ces points pour réussir !
- Validation of the Imaging Technology for a novel microbiological colony counter
- Technologies Barriere & révision de l’Annexe 1 : exigences & réponses opérationnelles pour les industriels
- BPF Annexe 1 et lyophilisation
Nouveau QMS ? Attention à ces points pour réussir !
Ca y est, Valérie, directrice qualité groupe a eu le budget, elle va enfin pouvoir implémenter un QMS dans l’entreprise ! Fini les “Changes Control” qui sont implémentés avant d’avoir terminé toutes les actions bloquantes. Fini les déviations ouvertes avec 2 mots et terminées les actions qui trainent dans le système depuis 2016 !
Dans son nouveau QMS, Valérie a pensé à tout ! Elle a construit avec son équipe de la qualité groupe, tous les processus de A à Z – déviation, CAPA, CC, réclamations clients, flux de relecture documentaire… Enfin son rêve va devenir réalité ; Les sites vont être obligés de travailler correctement ! Les intégrateurs lui ont bien facilité la tâche. Forts de leur expérience de déploiement dans de nombreux sites, ils lui ont fait faire quelques modifications qui rendront le système plus performant tout en réduisant considérablement les délais d’adaptation.
Consciencieusement, elle a envoyé par mail à tous les responsables qualité système des autres sites les processus du futur système. Elle n’a pas eu autant de retour qu’elle l’aurait espéré et quelques autres plutôt pessimistes, mais c’est certainement la peur du changement !
Les intégrateurs lui ont assuré – le reporting sera automatique ! Plus de temps perdu à compiler les données à travers le groupe ! Le pilotage ne sera plus nécessaire non plus car chacun aura sur sa page d’accueil une liste de tâches à faire transmise automatiquement par le système ! Le rêve ! Tout va changer, chacun pourra se focaliser sur ses actions !!
L’équipe d’implémentation a choisi de lancer les systèmes les plus utilisés : Déviation, CAPA et gestion documentaire en même temps. La reprise des données est difficile mais heureusement que les stagiaires sont là pour vérifier la correspondance des données !
6 mois plus tard
Lorsque le “go live” a été donné, les utilisateurs ont vu leur “dashboard” se remplir progressivement de centaines de tâches à accomplir. Impossible de prioriser quoi que ce soit. Ne sachant pas quels secteurs traitants quoi, tous les AQ peuvent intervenir par substitution sur tous les systèmes. Bien vite toute la gestion des processus a pris du retard. De nombreuses étapes de contrôle et de double contrôle ayant été ajoutées, les tâches se sont retrouvées perdues au fin fond de listes interminables.
Vous avez peut-être vécu tout ou partie de cette courte description. Le trait est volontairement noirci pour les besoins de l’article mais la vérité n’est pas si loin. La suite de cet article fait l’autopsie du projet de Valérie et vous propose des alternatives plus efficaces.
1. Vous êtes votre pire ennemi
En effet, vous avez de l’expérience. Vous avez connu de nombreux systèmes, vous connaissez les forces et les faiblesses de ces systèmes et dans votre tête vous avez construit le système parfait. Mais malheureusement pour vous, vous ne serez pas la seule personne à utiliser ce système. Il vous faut aussi considérer que seul.e, vous ne pouvez pas avoir en tête l’ensemble des contraintes qui pèsent sur vos systèmes. Ne soyez pas victime du syndrome de la tour d’ivoire.
L’implémentation d’un QMS ne doit pas révolutionner complètement vos processus. Les rendre plus clairs et plus fiables certainement, mais pour tout changer cela paraît beaucoup utopique. Il faut prendre en compte la dimension humaine. Pensez bien que les utilisateurs vont devoir affronter la prise en main d’un nouveau système et de nouveaux processus.
Votre aspiration d’implémenter votre système et non le meilleur système pour les utilisateurs a de gros risque de fortement ralentir le déploiement, voire de tuer le projet. Un projet réussi se mesure également et surtout à son acceptation par les utilisateurs, ils doivent adhérer.
Lorsque vous lancez un projet QMS, vous devez avoir des convictions factuelles sur les objectifs du système mais ce sont les utilisateurs qui vont vous aider à construire les processus, définir les données et les indicateurs à exploiter.
Ayez des objectifs chiffrés, c’est à vos collaborateurs de vous expliquer comment ils comptent y arriver.
Faites des ateliers de modélisation avec des personnes de terrain et entreprenantes qui utilisent les systèmes tous les jours.
Fixez le cadre et les limites de votre projet dans votre entreprise et sa culture, ils seront votre fil rouge pour mener votre projet. Recherchez l’équilibre entre le système idéal et rationnel. Par exemple, quel est le niveau de responsabilisation des acteurs attendu (système flexible ou bloqué/limitant) ? ou est le degré de personnalisation de votre QMS. Garder à l’esprit la finalité et les enjeux..
2. Les intégrateurs ne sont pas vos amis mais ils ne sont pas vos ennemis non plus…
Avant même de penser à faire quoi que ce soit, il faut connaître le fonctionnement de votre ou vos sites. Il vous faut modéliser vos processus avec une cartographie du type : qui fait quoi et quand ? Il faut être précis et coller le plus possible à la réalité. Définir les entrées, les sorties, les contributeurs et les livrables de chaque étape.
Une fois cela fait, vous allez devoir harmoniser la pratique entre tous les sites, en veillant au respect des exigences réglementaires.
Faites simple et responsabilisez les acteurs, au lieu de construire un système ultra verrouillé dans lequel on s’empressera de construire des voies de contournement …
Gardez bien à l’esprit que vous construisez votre QMS, celui qui s’intégrera parfaitement dans votre entreprise et non pas “un QMS” (on veut développer de la valeur ajoutée). Vous devez intégrer les conditions de votre entreprise et vos objectifs. Qu’attendez-vous de votre QMS ?
Sans cette précieuse cartographie, vous ne pourrez pas faire votre URS pour sélectionner le meilleur fournisseur de QMS, pire vous vous ferez convaincre par l’éditeur que certaines solutions sont les plus adaptées à vos besoins (que vous ne connaissez pas vraiment).
Comme le disait Bill Gates “Je choisis toujours une personne fainéante pour effectuer un travail difficile. Car je sais qu’elle trouvera un moyen facile de le faire.” Autrement dit, si vous ne savez pas ce que vous voulez, vous allez vous retrouver avec la solution la plus facile à développer pour l’intégrateur. Le système doit s’adapter aux processus et non l’inverse.
Prenez garde à l’apparente flexibilité des solutions proposées. Si la solution est flexible, vous allez être encouragé à créer des exceptions. Votre but est d’avoir un processus clair et uniforme sur l’ensemble du site ou du groupe. Faire des exceptions rendra le système inutilement complexe et extrêmement difficile à maintenir. C’est pour cela qu’il ne faut pas négliger la phase de modélisation et d’harmonisation des processus. Représentez- vous votre QMS comme une canne, il doit être suffisamment robuste pour nous aider à avancer mais il ne doit pas marcher à notre place
En équipe et en vous appuyant sur l’expertise et l’expérience de votre intégrateur, spécifiez exactement ce que vous voulez.
Venez avec le “quoi” (ce que vous voulez), présentez-le et débattez-le avec votre intégrateur pour définir le comment. Ensuite, portez ensemble le sens de votre QMS.
3. Le QMS n’est pas un outil de pilotage
Si on vous vend un QMS comme étant l’outil miraculeux qui vous permettra de respecter systématiquement vos deadlines, la vérité du terrain va vous rappeler durement à l’ordre.
Le QMS est un programme, il n’a pas de pitié, il n’oublie rien et ne pardonne rien. Les tâches vont s’empiler sur les “Dashboard” et tout ce qui ne bloque pas le flux va lentement devenir invisible, caché derrière les urgences du quotidien. Les premiers à souffrir vont être les CAPA, les approbations de SOP et les “changes control” (qui n’a pas de backlog sur au moins 2 de ces 3 processus ?)
Pensez à un QMS comme aux placards de votre cuisine. Au début on sait exactement ce qu’il y a dedans et plus on avance dans le temps, plus les choses que l’on n’utilise jamais sont poussées au fond. Lorsqu’on déménage, on trouve toujours une boîte de choucroute périmée depuis 3 ans, des tupperwares de formes étranges et de contenances peu pratiques ou des couteaux bizarres pour couper les tomates en tranches.
Dans vos réflexions pour construire votre QMS, il est impératif d’inclure la dimension “données” et son exploitation. Quelles données me seront utiles ? Quelles règles de gestion ? Quelle source d’intégration dans mon entreprise et son écosystème ? Pour quoi faire ? Comment l’atteindre et l’extraire rapidement ? Comment les classer ? Votre QMS hébergera très vite des milliers de données qu’il vous faudra exploiter pour optimiser votre activité. Ces questions sont centrales et doivent influencer la construction de votre QMS.
Pour pallier à cela, il faut faire 4 choses :
- Définir des secteurs pour répartir de façon homogène les encours des différents processus. Le processus aura beaucoup plus de chances d’être traité si le responsable est clairement identifié et notifié. (Acteur ciblé : processus traité)
- Prévoir à l’avance des extractions permettant d’obtenir toutes les informations nécessaires, caractériser l’encours des processus et le répartir dans les différents secteurs. Les attendus pour exploiter les données et processus doivent être doivent être obligatoirement inclus dans la conception.
- Mettre en place des pilotages (visuelle de préférence) pour chacun des processus et des secteurs basés sur les extractions du QMS. Il est un outil d’appui pour les animateurs terrain.
- Nommer des garants de processus : des personnes chargées de maintenir le processus dans le système (rappeler à l’ordre les utilisateurs qui ne remplissent pas correctement les champs, vérifier que les points de pilotage fonctionnent bien et proposer des ajustements.) Je conseillerai vivement de mettre cette charge dans la définition de fonction. Ce n’est pas une petite charge mais des managers de système efficaces seront d’un grand bénéfice pour votre organisation et vos temps de cycle.
Notez que plus le processus du système est complexe, plus l’ampleur de la tâche et le risque de dérive sont importantes : (Change contrôle > déviation > CAPA >système documentaire) C’est ici que vos convictions évoquées dans le premier chapitre seront utiles. Elles vous permettront de définir les objectifs chiffrés que vous donnerez à vos collaborateurs à travers les pilotages. |
4. Réussir son paramétrage
Le paramétrage des processus est un moment crucial. Il se déroule après le choix du logiciel qui va être utilisé et avant le déploiement. C’est pendant cette étape que l’équipe projet va contraindre le logiciel à suivre le processus (et non l’inverse) en tenant compte des contraintes acceptées lors du choix de ce dernier par rapport à d’autres solutions. Le système est un support pour structurer le travail mais la qualité des analyses et du contenu repose sur les utilisateurs.
Le point de départ est la finalité. Un QMS est un outil de gestion de données dont le but est de construire une application pour permettre d’avoir les bonnes données, accessibles au bon moment et aux bonnes personnes.
Le plus important pour réussir le paramétrage des différents processus sont les équipes projet. Elles doivent être représentatives des utilisateurs et avoir une légitimité pour conduire le changement. Elles doivent être constituées par des experts métier et pas uniquement des managers. L’équipe doit maîtriser parfaitement les enjeux du processus concerné, les entrants, les sortants, les contraintes et les objectifs.
Il faut également veiller à ce que les rôles entre les acteurs du projet et les utilisateurs soient bien définis et ne s’inversent pas en cours de projet. Le risque étant d’ajouter des modifications de confort ou liées à des peurs individuelles qui peuvent ruiner une partie du travail et mettre en danger le déploiement.
Le système conçu doit être maintenable et pérenne. Le projet doit aussi intégrer la bonne gestion du système lors de son cycle de vie.
Le projet doit avoir du sens pour les équipes. Ils vont travailler avec cet outil pour au moins une dizaine d’années et c’est cette étape de paramétrage qui va décider si l’utilisation va être une galère ou un plaisir. Et donc finalement décider de l’acceptation ou non de la solution.
En finalité et simplement, la définition d’un processus nous rappelle l’essentiel : actions corrélées transformant des éléments d’entrée en éléments de sortie. L’équipe projet et l’intégrateur doivent être focalisés sur la création de valeur au sein des processus mises en œuvre, le tout au service de l’entreprise.
5. Réussir son déploiement
Le déploiement est l’aboutissement du projet. Les utilisateurs cessent d’utiliser leurs anciens systèmes et vont utiliser le nouveau dans leurs quotidiens. Les AQ ont enfin un système unique, arrêtant ainsi de réconcilier les données incohérentes issues de multiples fichiers. Enfin une base unique de travail existe !
Le maître mot pour réussir le déploiement est la communication. Communiquez sur le sens de votre projet aux utilisateurs !
Un projet est un élément de réponse de l’entreprise à un problème identifié. Quel était le problème de base ? Comment y répondre ? Quelles sont les fonctions du logiciel qui permette d’atteindre cet objectif ?
Donnez de la perspective. Nous sommes à la première étape d’un long voyage que nous allons réaliser ensemble. Participez en remontant des idées d’amélioration, de nouveaux besoins ou tout simplement lors de la mise en place des prochains processus.
Pour apporter de la sérénité et un effet “quick-win”, privilégiez un démarrage progressif. Commencez par implémenter un processus fédérateur (un processus peu complexe, qui était très mal géré dans l’ancien système).
Le succès du premier processus implémenté avivera l’enthousiasme des utilisateurs qui en réclameront plus. Ce démarrage en douceur évitera l’effet “big bang” générateur de stress et de perte de repère pouvant impacter la continuité des opérations.
Vous avez déjà subi une mise à jour que vous n’avez pas demandé d’un logiciel que vous maitrisiez à la perfection ? (Mise à jour de Microsoft Word qui saute 3 ou 4 versions, Windows 7 à Windows Vista…). On passe par une succession de plusieurs étapes : choc, déni, colère, peur, tristesse, acceptation…
Le pire étant de se retrouver à ne plus savoir comment effectuer les tâches du quotidien qui étaient avant si simples.
Le plus important est d’accompagner avec un réseau de spécialistes (key-users). Lors des formations initiales, réalisez des formations “pratiques “ avec des exemples convainquant et complétez-les par des accompagnement terrains et individualisés. Les formations initiales sont importantes pour rassurer mais d’une efficacité très limitée. Le plus efficace est d’apprendre en essayant. La disponibilité et la réactivité de ces key-user est essentiel pour passer du projet à la mise en production (phase d’”hypercare”) et un complément très efficace aux supports de type SOP ou tutoriels.
Évitez à tout pris les phrases “de toutes façons maintenant c’est comme ça”. Anticipez les points de frictions (vous les connaissez, ce sont les concessions qui ont été faites lors du choix du logiciel et les uniformisations de pratique pour éviter les exceptions). Fournissez un kit de communication pour expliquer pourquoi ces choix ont été faits. Quelles étaient les contraintes et comment on a dû y répondre ? Focalisez sur les points positifs, l’étendue des perspectives et le chemin parcouru ! |
Conclusion
La mise en place d’un (nouveau) QMS est un grand moment pour une entreprise pharmaceutique. Il doit être synonyme d’amélioration du niveau de qualité et de performance. Mais ces objectifs ne pourront être atteints que si le projet est méticuleusement préparé par des personnes compétentes et une vision d’ensemble parfaitement maîtrisée.
La cartographie des processus, suivie par l’harmonisation des pratiques, sont probablement les étapes en amont du projet les plus importantes. Elles vous permettront non seulement de sélectionner efficacement le meilleur éditeur mais vous permettront de dégager les points critiques et les leviers de performance de chacun des processus étudiés en clarifiant les acteurs, les livrables et les délais.
Réaliser un projet à la mesure des possibilités de l’entreprise et non à la mesure de ses propres ambitions est parfois difficile mais c’est pourquoi une bonne équipe projet, représentative, compétente et avec suffisamment de temps alloué est essentielle.
Gardez à l’esprit qu’un problème de QMS peut paralyser la libération ou entraîner une mise en demeure et significativement impacter la performance de la qualité. Il est donc crucial de ne pas négliger les ressources allouées à ce projet.
Le QMS est l’application centrale du système Qualité, un gage de confiance et le support indispensable pour des inspections réussies et une qualité efficace. La mise en place d’un QMS est une merveilleuse opportunité, mettez tous les atouts de votre côté et savourez ce projet !