Sommaire
- Continued Process Verification stratégie de visualisation des données dans le cadre de la CPV
- Démarche de déploiement de la Vérification Continue des Procédés & gains associés, sur un site de production pharmaceutique
- Intervalles statistiques de tolérance : Quelles alternatives en cas de non-normalité ?
- Comment construire une stratégie d’échantillonnage adaptée en fonction des risques
- Sécurisation des approvisionnements : stratégie & outils pour maitriser les risques de rupture
- Advanced Data Analysis as an enabler to near real-time Contamination Control Strategy Evaluation
- L’IA diagnostic. L’analyse d’images
Sécurisation des approvisionnements : stratégie & outils pour maitriser les risques de rupture
La fabrication des nouveaux médicaments de Bioproduction s’opère de plus en plus en utilisant des consommables/systèmes à Usage Unique (SUS). Et même si les fournisseurs ont anticipé une croissance annoncée entre 15 et 20%, la pandémie du COVID et la fabrication des vaccins associés ont fait exploser la demande et ont eu pour conséquences des tensions et ruptures d’approvisionnement.
Single Use Systems (SUS) est parti d’un retour d’expérience d’acteurs de l’industrie sur la sécurisation des approvisionnements et sur les moyens de maintenir la production des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Dans cet article, nous avons également tenu comptes des défis posés par l’utilisation et l’approvisionnement des SUS pour proposer des approches de sécurisation à moyen et long terme.
1. Complexité de la chaîne d’approvisionnement des Systèmes Single Use (SUS)
Nous avions interrogé en début 2021 les industriels du GIC SUS et 100% reconnaissaient avoir subi des ruptures de livraison. De plus, une grande majorité des utilisateurs précisaient manquer de visibilité sur la chaîne d’approvisionnement de leurs fournisseurs (Figure 1).
La fabrication des SUS implique une chaîne d’approvisionnement complexe, mobilisant un grand nombre de matières et de composants (clamps, tubes, connecteurs, filtres, poches…) ; certaines étapes de fabrication sont très spécifiques et peu d’acteurs sont capables de les réaliser. Ces difficultés ont pu être accentuées par certaines mesures de protectionnisme ayant affecté la capacité de fabricants clés à fournir les marchés européens.
2. Effets cumulés sur la chaîne d’approvisionnement
Une réaction immédiate des acteurs de la chaîne fut d’augmenter leurs stocks internes amplifiant ainsi les phénomènes de ruptures. Cette solution s’est avérée contre-productive et non pérenne.
L’augmentation des stocks de sécurité sur des consommables souvent avec une date de péremption courte ne peut être qu’une action de sécurisation à court terme.
Il apparaît donc crucial de mettre en place une coopération forte entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement afin de mieux organiser et rendre plus robuste la fourniture de ces consommables complexes (et souvent reliés à des technologies propriétaires). Cette coopération a déjà été identifiée comme un point fondamental et décrit dans certains textes dont le PDA TR66, texte de référence pour les SUS.
3. Rappel du PDA TR66
Pour anticiper les risques et maitriser la disponibilité des consommables à usage unique, le Technical Report TR66 du PDA décrit bien les points à considérer. Ce texte de 2014 traitait déjà du partenariat indispensable entre les fournisseurs et les fabricants pharmaceutiques, ainsi que des clés de succès tant au niveau technique et qualité qu’au niveau business et approvisionnement.
Ainsi, la gestion des risques à l’aide d’outils d’analyse de risque formalisés y est mise en avant, décrivant même quels outils utiliser selon la gravité et l’occurrence de détection du risque. Et selon le type de SUS utilisés, une classification est établie sur base du niveau de risque et de la complexité de chacun des SUS afin d’aider à prioriser les qualifications de fournisseurs de SUS.
Le choix des matériaux de construction est un point crucial en ce qui concerne le choix d’un SUS plutôt qu’un autre. Plusieurs tableaux détaillent les différents matériaux entrant dans la composition des SUS (poches, filtres, tuyaux, connecteurs,), leurs principales caractéristiques et les raisons de les utiliser. En effet, certains matériaux seront moins résistants à la température, ou bien présenteront un taux d’extractibles incompatible avec l’utilisation pressentie du SUS. Dans une stratégie de sécurisation de l’approvisionnement, avoir établi quels matériaux de construction étaient attendus pour ses différents SUS permettra de mieux adresser un risque de rupture sur un SUS en envisageant au mieux une possible alternative.
Justement, la notion d’alternatives en matière de SUS est bien présente dans le TR66 puisque le rapport recommande à l’utilisateur de qualifier un fournisseur alternatif pour ses SUS dans le cadre de son programme de gestion de risques. L’évaluation basée sur le niveau de risque et les connaissances scientifiques sera utilisée pour déterminer le niveau d’analyses et de validation requis.
Autant une équivalence pourra être établie entre le premier et le second fournisseur sur un SUS simple sans contact avec le produit et avec des attributs critiques limités, autant il sera nécessaire de déployer le même niveau de qualification pour un SUS à haut risque pour le produit (ex. bioréacteur ou poches de stockage produit actif) et assurer des paramètres de performance et des attributs équivalents. Avant de déterminer un plan d’action de sécurisation des approvisionnements, il est important de faire une évaluation des risques.
4. Importance de l’analyse de risques
Vu la complexité de la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement, il est indispensable de définir une organisation en interne afin d’évaluer la criticité des SUS, de standardiser si possible, de gérer les interactions avec les fournisseurs, …
Une analyse de risque sur chaque article est réalisée avec une mise à jour régulière en fonction de l’avancement de sujet et/ou de nouveaux projets.
Cette analyse prend en compte différents facteurs listés ci-dessous :
Evaluation du fournisseur :
1.Historique des défauts rencontrés, des réclamations, capacité à répondre aux enquêtes.
2.Résultats des audits fournisseurs, capacité à répondre aux exigences GxP.
3.Relation avec le fournisseur : existence de contrat, disponibilité de la documentation, compréhension règlementaire.
4.Etat financier du fournisseur : est-il un petit/gros fournisseur, combien représente nos produits dans son activité.
5.Localisation géographique des usines : existence de site back- up.
6.Evaluation HSE/RSE : sustainability, bilan carbone, ISO18001 en place.
7.Capacité du fournisseur à livrer : quantité, délais, intermédiaire.
- Impact en interne en cas de non-livraison :
1. Que représente le produit impacté sur le chiffre d’affaires, sur l’activité ?
2. La non-fabrication d’un produit a-t-il en enjeu sur la santé publique ? Existe-t-il d’autres produits équivalents ?
- Evaluation des procédures d’approvisionnements :
1.Sommes-nous en monosourcing et multisourcing sur l’article ?
2.Les solutions de double sourcing sont-elles simples à mettre en place ?
3.Le fournisseur répond à notre besoin : quantité / délais.
4.Le fournisseur a lui-même plusieurs fournisseurs pour ces références critiques.
5.La mise en place d’un double sourcing est-elle complexe ? longue (durée de validation, besoin d’études de stabilités, attente de retour règlementaire, …)
6.Le fournisseur a-t-il un stock de sécurité de produit fini présent chez lui ? Quelle est la durée de fabrication de l’article ?
L’ensemble de ces paramètres sont pris en compte dans une analyse de risque et l’évaluation finale permet de construire une feuille de route avec les priorités à traiter. Cette liste de priorités doit être remonté au plus haut niveau d’un site afin que les risques / priorités soient connues de tout le monde.
5. Plan d’action de sécurisation
Selon les résultats de l’analyse de risques, plusieurs stratégies de sécurisation peuvent être envisagées ou combinées.
Trois niveaux d’évaluation apparaissent :
1.”like-for-like”
2.”équivalence fonctionnelle”
3.”modification de process/fonction ou amélioration”
Les risques associés et les attendus en termes de vérification de performance sont à définir.
Il serait utile de développer une procédure pour soutenir ces analyses, fixer le cadre du niveau de qualification attendu dès qu’il faut opérer un changement.
5.1 Rationalisation et standardisation
Une approche de standardisation peut être initiée afin de rationaliser le nombre d’assemblages et/ou de composants différents utilisés, mais aussi d’harmoniser au sein des différents sites de production, voire des plateformes technologiques d’un même utilisateur les règles de design et les attributs critiques.
Plus le niveau de customisation est important, plus le nombre d’intervenants de la supply chain va l’être, ce qui va encore plus la complexifier.
Cela nécessite un partenariat avec les fournisseurs et de la transparence. Standardisation au sens large : choix des composants ? Au niveau du contrôle et des validations ? package des requis ? du conditionnement ? Approche Lego – complexité du design d’un assemblage vs coût global notamment pour les connections multiples (connectivité entre les composants).
5.2 Stratégie de Multi-sourcing
Il y a 2 niveaux de multisourcing chez le fournisseur et chez l’utilisateur. Le multisourcing chez le fournisseur concerne l’approvisionnement des composants.
Le multisourcing chez l’utilisateur correspond à l’approvisionnement d’un élément de même fonctionnalités chez plusieurs fournisseurs. Like for like et équivalence fonctionnelle
Mettre en place un multi-sourcing permet de diminuer le risque de pénurie d’approvisionnement.
Cela limite la dépendance à un composant ou à un fournisseur. A contrario, cela implique une charge de qualification d’une deuxième source ou d’un deuxième composant.
Quelques pistes de travail
- Dans le cas des Composants.
– Adopter une stratégie d’équivalence entre composants pour éviter de n’avoir qu’un seul composant qualifié par fonctionnalité requise.
- Dans le cas des Assemblages
– Qualification de plusieurs fournisseurs avec différents composants de même fonctionnalité
– Qualification d’un seul fournisseur mais multi-sites et idéalement avec plusieurs sources de composants qualifiés.
Pour qu’il soit efficace, le double sourcing doit être maintenu actif. La gestion du nombre de références à maintenir est plus importante, mais garantira une vraie sécurité d’approvisionnement. Cette stratégie doit être supportée par le top management de l’entreprise.
5.3 Outils de collaboration fournisseur-utilisateur final
Les difficultés d’approvisionnements ont aussi fait comprendre que pour cette gamme de produits, les relations entre le client et son fournisseur sont primordiales. Le SRM (Supplier Relationship Management) est aussi une excellente solution de sécurisation des approvisionnements à long terme.
Le SRM est une approche interactive entre l’utilisateur et le fournisseur qui a pour but d’établir une relation stable et durable pour les composants et assemblages critiques. Il s’agit de dépasser l’approche transactionnelle client-fournisseur pour atteindre un mode collaboratif qui ajoute de la valeur à la relation pour les 2 parties.
Le partage des données sur les projections des besoins, les niveaux de stock intermédiaires, les sources qualifiées, permettent aux 2 parties d’avoir de la visibilité et de la sécurité tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Le SRM se met en place et se maintient selon la boucle itérative décrite ci-après :
Le SRM s’avère être un outil précieux de prévention des risques de ruptures lors des crises d’approvisionnement, et son développement est à considérer avec l’augmentation des besoins dans les étapes de procédés Single-Use.
Conclusion
La crise du COVID a montré les faiblesses dans les chaines d’approvisionnement que ce soit chez les fabricants des composants, les fournisseurs et les utilisateurs. Il faut réfléchir dès le projet d’utilisation d’un système à usage unique, en plus de l’aspect technique, à la gestion des consommables et identifier chez le fournisseur les procédés qui vous assurent une sécurité d’approvisionnement. De son côté , l’utilisateur, quand cela est possible, devra aussi élaborer une analyse de risque afin de mener un plan d’action adapté au risque identifié :
- Inventaire des SUS utilisés et identification de leur utilisation,
- Classification des SUS (commodité, standard, propriétaire),
- Rationalisation et standardisation quand c’est possible,
- Evaluation de l’impact d’une rupture et des risques de rupture dues au fournisseur,
- Evaluation des solutions de replis sur les SUS critiques (multi sourcing, dépannage, stocks de sécurité, collaboration étroite en toute transparence avec les fournisseurs), • Outil de suivi et d’alerte.
L’utilisation d’outils d’analyse de risques (tant sur le plan Approvisionnement que sur le plan technique) permettra d’évaluer et classer les différentes solutions, et de mener un plan d’action adapté au niveau de risque identifié. D’autres outils de travail, réalisés par le GIC Single-Use, peuvent également servir de support dans l’implémentation et l’analyse de risque liés aux problématiques d’approvisionnement.
Dans le cadre des journées A3P Single Use, les 20 et 21 septembre à Tours, ces approches feront l’objet de présentations et de retour d’expériences.
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GIC A3P Single Use Systems