Analyse de la charge microbienne en temps réel pour prévenir les risques de contamination et mieux contrôler les procédés.

Les eaux à usage pharmaceutique comme l’eau pour préparation injectable (EPPI) et l’eau purifiée (EP) sont les principales matières premières utilisées sur l’ensemble de la production de médicaments et de dispositifs médicaux. La pureté de l’eau est régie par des normes publiées par les pharmacopées. Les sociétés pharmaceutiques qui produisent leurs propres eaux sont tenues de respecter ces normes.

Dans le cadre de la fabrication de produits répondant aux exigences en matière de sécurité, de qualité et d’efficacité, la charge microbienne est l’un des contaminant qui doit être contrôlé et surveillé afin de rester en dessous des limites définies par la pharmacopée. La contamination microbienne est le risque le plus important auquel l’industrie pharmaceutique est confrontée actuellement. Pour cette industrie, la mesure en ligne permet de répondre plus efficacement aux défis posés par la qualité de l’eau. Pour la détection de contamination organique et minérale, le Carbone Organique Total (COT) et la conductivité sont deux paramètres clés de l’analyse des procédés où les mesures en ligne/en production sont possibles depuis plusieurs décennies. Cependant, en ce qui concerne le contrôle de la contamination de la charge microbienne dans l’eau très pure, le marché s’appuie sur des méthodes de laboratoire mises au point il y a plus d’un siècle.

1. Une méthode universelle qui affiche pourtant ses limites

La technologie basée sur le comptage sur plaques des colonies qu’un micro-organisme est capable de former est la méthode couramment utilisée pour tester la présence de micro-organismes dans l’eau. L’utilisation de cette technologie, qui date de plus de 125 ans, repose sur la collecte d’eau à différents points essentiels, déterminés par la validation du système de distribution d’eau, puis de l’analyse de l’eau sur des boîtes de Petri.

La filtration sur membrane est la méthode de comptage sur plaque la plus couramment utilisée. Les régulateurs et les experts de l’industrie reconnaissent que cette méthode comporte des limites. Voici quelques exemples soulignés par la pharmacopée américaine (USP) :

I. Cette méthode est propice aux erreurs d’échantillonnage et d’analyse

USP<1231> “Les tests d’échantillons d’eau prélevés sur un système de distribution d’eau sont essentiels pour assurer un contrôle continu du système et évaluer la qualité de l’eau utilisée. Si un échantillon est mal prélevé, on risque d’obtenir un résultat de test non représentatif de l’objet de l’échantillon. Cela peut entraîner une inaction alors qu’il faut procéder à une réparation ou entraîner une réparation superflue alors que cela n’est pas nécessaire.”

II. Avec 5 à 7 jours pour obtenir des résultats, l’eau utilisée comporte un risque.

USP<1231> “Il est plus difficile d’obtenir des données microbiennes précises par rapport aux attributs chimiques et physiques. Cela prend souvent plusieurs jours. Cela limite la capacité de contrôle des attributs microbiens en temps voulu.

III. Les temps d’échantillonnage sont basés sur la commodité et les ressources disponibles.

USP<1231> “En ce qui concerne l’étendue des répercussions, moins l’échantillonnage est fréquent, plus les produits et les procédés seront affectés par un résultat de test défavorable.” USP< 231 > “Il convient d’assurer le contrôle des systèmes de distribution d’eau à usage pharmaceutique à une fréquence qui permette de garantir que le système est sous contrôle et continue de produire une eau de qualité acceptable.”

IV. La méthode de comptage sur plaque comporte des variabilités et des limites technologiques.

USP<1223> “Les limites réelles de détection des méthodes microbiologiques officinales n’ont jamais été établies de manière quantitative, et il est entendu que de nombreuses variables peuvent affecter la récupération des micro-organismes. Ces variables comprennent la sélection du milieu de croissance, les conditions d’incubation, les besoins nutritionnels des micro-organismes qui peuvent être présents, l’état physique des micro-organismes et les caractéristiques de l’article officinal faisant l’objet du test.”

USP<1231> “Toutefois, il est possible que les limites nutritionnelles du milieu de croissance ne remplissent pas les exigences de croissance des organismes présents dans le système de distribution d’eau qui proviennent d’un biofilm. Par conséquent, il se peut que les méthodes de culture traditionnelles ne détectent qu’une fraction des bactéries du biofilm présentes dans l’échantillon d’eau.” USP<1223> “Des études sur la récupération de micro-organismes dans les eaux potables et environnementales ont montré que les méthodes traditionnelles de comptage sur plaques peuvent ne reporter que 0,1% à 1% des cellules microbiennes réellement présentes dans un échantillon.”

De par ces limitations clairement exprimées, l’industrie pharmaceutique et ses organismes de réglementation admettent, reconnaissent et approuvent la nécessité de pouvoir contrôler la contamination de la charge microbienne en temps réel par de nouveaux outils plus innovants. En exemple, cet extrait de USP<1231> “L’analyse en ligne permet d’éviter le potentiel de contamination exogène des échantillonnages, qui pourrait entraîner des tendances de données variables artificiellement et la prise de décisions erronées sur les performances du système, sa maintenance et la qualité de l’eau utilisée, et qui pourrait déclencher des enquêtes causales inutiles.” On retrouve du côté des instances européennes le même encouragement, comme cet extrait de EMA : GMP Annexe 1 “L’utilisation de méthodes microbiologiques rapides devrait être envisagées dans le cadre de la stratégie de contrôle globale du système.” Mais concrètement, en quoi l’intégration de la mesure de la charge microbienne en production en continu et en temps réel offre des avantages majeurs pour garantir que le système est sous contrôle ?

2. Un meilleur contrôle du procédé grâce à la mesure en ligne

Le contrôle en ligne permet un contrôle continu de l’eau à un point donné. L’industrie pharmaceutique et les pharmacopées s’accordent sur un point clé de contrôle, le retour de boucle de distribution. Il n’est donc pas hasardeux de retrouver sur de nombreuses boucles, une conductivité et un COTmètre en ligne sur ce point de retour de boucle. Le principe est le suivant, si une contamination survient dans la boucle, celle-ci passera nécessairement par le retour de boucle. Si absence de contamination constatée, il est considéré que le système est sous-contrôle. En ce qui concerne la contamination microbienne, le point à privilégier serait donc selon le même raisonnement le retour de boucle. De nombreux avantages de ce contrôle en découleraient, dont une liste non exhaustive va être présentée ci-dessous.

I. Pas besoin d’échantillonnage, pas besoin de prélèvement

C’est le principe même de la mesure en ligne, il n’y a pas d’intervention humaine, pas de possible modification de l’échantillon due à une mauvaise manipulation, pas de contamination de l’échantillon par la méthode de prélèvement. L’eau est acheminée directement jusqu’à l’appareil en ligne. En fonction de la technologie utilisée, l’eau sera alors soit éliminée à l’égout (comme pour la mesure du TOC) ou conservée car la mesure est directement dans la boucle (comme pour la conductivité). On note alors l’importance, si l’eau est détournée vers l’égout, de limiter au maximum pour les fournisseurs, la consommation d’eau de leurs appareils de mesure.

II. Réaction rapide en cas de contamination

En règle générale, les investigations pour contamination microbienne et le rappel de l’eau sont des réactions aux résultats du comptage sur plaque. Ces résultats ne sont pas en mesure de fournir des détails sur les pics comme la gravité de la contamination ou leur temporalité. Lorsqu’un évènement intervient, il n’est pas possible de prendre une mesure immédiatement en n’en ayant aucune connaissance. Cette inaction dure jusqu’à l’analyse de l’échantillon pris le jour où la contamination est survenue. Cependant, avec des données continues, il est possible d’utiliser les informations sur les tendances de manière proactive afin de réduire et d’atténuer le risque de libération d’eau contaminée. Une fois qu’une installation a établi une base de référence ou un niveau moyen au cours d’un fonctionnement normal, un utilisateur peut analyser comment la dynamique du système hydraulique peut avoir un impact sur la quantité de micro-organismes dans le système hydraulique. Il en résulte une plus grande transparence des procédés et une meilleure compréhension de la façon dont les changements au niveau du système hydraulique, comme les fluctuations de la demande, la maintenance, etc., peuvent influer sur le risque de contamination.

III. Réductions significatives des désinfections grâce à la meilleure compréhension du système d’eau

La désinfection d’un système hydraulique peut être coûteuse, accroître l’usure de certains composants et elle limite le temps de production ou de libération de l’eau. Généralement, la fréquence de désinfection est basée sur les informations historiques relatives au contrôle du système hydraulique à travers une multitude de paramètres qui fournissent des résultats en ligne continus, tels que le COT et la conductivité.

Avec la méthode de comptage sur plaque traditionnelle pour les mesures de la charge microbienne en laboratoire, un aperçu de la contamination du système hydraulique est fourni au mieux cinq jours après le prélèvement de l’échantillon. Les sociétés pharmaceutiques fonctionnent actuellement selon deux schémas, une désinfection préventive dont la fréquence a été déterminée par une analyse de risques préalable, et des désinfections correctives en cas de prélèvements positifs.

Avec une méthode d’analyse en ligne et en temps réel, le personnel en charge des désinfections peut décider si un cycle de désinfection est nécessaire en raison d’une augmentation mesurée de la charge microbienne dans un système hydraulique. Le personnel du site peut également utiliser les données continues pour analyser les changements avant et après la désinfection et juger à la fois de la pertinence et de l’efficacité de la désinfection. Une analyse en ligne permet donc de répondre à plusieurs questions. Est-il nécessaire de procéder à une désinfection ? La désinfection a-telle été efficace ? Mon système hydraulique est-il réellement sous contrôle ?

En optimisant la fréquence de désinfection, un site peut non seulement réduire les coûts de désinfection mais également réduire l’usure de certains composants du système hydraulique.

IV. Des temps de rinçage plus courts pour une productivité accrue en totale confiance

Lorsque l’on se fie à des mesures de la charge microbienne en laboratoire, la qualité de l’eau et le niveau de risque peuvent se révéler incertains. Que ce soit pour l’optimisation de la fréquence de désinfection ou la gestion du cycle de rinçage après la désinfection, la mesure en continu reste toujours disponible sur l’appareil en ligne et peut être comparée à la mesure de référence du système sous contrôle. Avec la capacité d’observer la tendance à la baisse des données et revenant à la mesure de référence, le personnel peut déterminer avec confiance lorsqu’il n’y a plus de risque. La production est influencée positivement par la capacité à libérer l’eau plus tôt parce que l’opérateur a la certitude que la durée de rinçage était suffisante et que le système hydraulique est toujours sous contrôle.

3. Cas concret avec l’implémentation en ligne du 7000RMS pour le contrôle de procédé

I. L’appareil et son fonctionnement

Le 7000RMS™ de METTLER TOLEDO Thornton est un analyseur en ligne conçu pour effectuer des mesures continues et en temps réel de la charge microbienne dans les eaux à usage pharmaceutique. Il utilise la technologie de fluorescence induite par laser pour mesurer instantanément la charge microbienne, sans avoir recours à des consommables ni respecter des périodes d’incubation. L’appareil utilise deux principes de mesures déjà largement utilisés par la communauté scientifique, la fluorescence et la diffusion de Mie. La diffusion se produit lorsque la lumière rencontre des particules en traversant un milieu transparent. Plus la longueur d’onde est petite, plus la diffusion est importante. La théorie de Mie, est une théorie de la diffraction de la lumière par des particules sphériques. Les propriétés de diffusion des particules dépendent de leur taille, de leur forme et de leurs constantes intrinsèques. Selon Mie, la quantité d’énergie diffusée vers l’avant est plus importante que dans n’importe quelle autre direction. Lorsque la taille de la particule augmente, la diffusion vers l’avant augmente également.

Une prise d’échantillonnage du circuit d’alimentation en eau est branchée sur l’instrument. La circulation d’eau dans l’analyseur s’effectue à un débit contrôlé, nécessaire et suffisant, de 30 mL/min. Lorsque l’eau s’écoule à travers la cellule de débit, elle est éclairée par un laser 405 nm, qui entraîne la fluorescence du NADH et de la Riboflavine, métabolites présents dans tous les micro-organismes. Un module de détection optique capture alors ce signal de fluorescence. Simultanément, la diffusion de Mie se produit lorsqu’une particule est éclairée par le rayon laser. Un deuxième module optique capture le signal de diffusion Mie. Les données provenant des deux détecteurs sont traitées à l’aide d’algorithmes avancés. Lorsque les deux signaux atteignent simultanément un ensemble de critères donnés, détection d’une particule dont la taille correspond et d’une fluorescence, une unité auto fluorescente (AFU) est signalée. Une AFU possède une taille supérieure à 0,3µm et possède des métabolites contenant du NADH et de la Riboflavine. La détection se fait ainsi à partir d’une seule et unique cellule, contrairement à la méthode traditionnelle sur plaque qui compte des colonies (CFU). La sensibilité et la précision du système sont donc accrues pour toujours plus de sécurité et de confiance dans le procédé.

L’analyseur de détection de la charge microbienne 7000RMS™ de METTLER TOLEDO Thornton est une solution innovante qui répond au besoin de l’industrie et du marché de contrôler plus efficacement le procédé de surveillance de la charge microbienne. Comme décrit ici, cet analyseur at-line compte chaque micro-organisme, ou AFU, dans de l’eau très pure en temps réel en utilisant deux techniques de mesure optique éprouvées. Cette technique a la capacité de fournir ce comptage de la charge microbienne à une fréquence élevée, à savoir au minimum toutes les deux secondes, ou 1 mL de flux d’échantillon, ce qui permet d’observer les tendances. Pour se rapprocher des mesures traditionnelles, nous conseillons toutefois d’actualiser les mesures tous les 10mL ou tous les 100mL.

II. Et concrètement chez un client ?

Un grand fabricant de produits pharmaceutiques a observé des résultats positifs sur ses tests réalisés en laboratoire par méthode traditionnelle, ce qui menait à une suspicion d’une contamination du système d’eau. Lors de l’analyse des causes, la société a suspecté la formation d’un biofilm dans le système. Si c’était réellement le cas, la société devait prendre une action immédiate sous peine d’impacts substantiels sur le revenu et la profitabilité du site. Due aux limitations des tests par méthode traditionnelle, comme notamment le délai d’incubation des cultures, le site pharmaceutique n’a pu établir avec certitude la cause du problème. De plus, avec des résultats à J+5, cette analyse était très gourmande en temps et en argent. Afin d’accélérer cette investigation, la société s’est tournée vers une solution alternative et a choisi le 7000RMS de METTLER TOLEDO Thornton.

Grâce à cet appareil installé en ligne, l’entreprise a obtenu des données en temps réel, ce qui leur a permis d’identifier directement un évènement hors ligne de base. En conséquence, l’appareil leur a fourni une vision complète sur leur système d’eau et leur a ainsi permis de créer un plan d’action pour résoudre l’origine du problème. Le but de cette utilisation est clair : un meilleur contrôle du système d’eau pour l’identification de l’origine des contaminations.

En parallèle, les tests laboratoires demeuraient la référence pour la libération des lots. Avec cette démarche, il n’y a pas eu d’interrogations lors d’audit sur l’utilisation du 7000RMS. Cet analyseur ne remettait pas en cause le processus de libération des lots et s’ajoutait en tant qu’outil pour faciliter le contrôle du système d’eau grâce à une compréhension et à un contrôle accru.

4. Le succès du contrôle procédé et de l’optimisation

Le 29 octobre, après l’installation et le rinçage initial de l’analyseur au démarrage, celui-ci s’est stabilisé à une valeur différente de 0 (voir figure 2). Cette valeur en AFU est considérée comme la ligne de base du système d’eau, lors d’un fonctionnement normal de la boucle. Avec l’obtention d’une ligne de base stable (obtenue après quelques jours), la société a pu identifier tout évènement, toute mesure, s’éloignant de cette valeur de référence d’AFU. Ce sont ces déviations qui sont observées les 5, 6 et 8 novembre (voir figure 2), et qui ont été identifiées comme des conséquences d’activités sur le site. Ils ont ainsi réussi à stabiliser leur système d’eau de manière proactive grâce à ce contrôle en ligne, tout en continuant à le contrôler au fur et à mesure. L’entreprise a également noté que le 7000RMS n’avait pas indiqué de déviation après le 9 novembre (voir figure 3). Dans le même temps, plusieurs résultats du laboratoire sont revenus positifs. Ces résultats ont mené le site à reprendre les procédures de prélèvements. Des pistes d’améliorations ont été identifiées pour minimiser les contaminations des prélèvements qui entrainaient des faux positifs.

Avec l’installation du 7000RMS, ce site pharmaceutique a pu mieux comprendre son système d’eau, puis l’optimiser afin de minimiser les impacts sur la qualité de l’eau. De plus, l’analyse en temps réel a mis en lumière les failles des procédures d’échantillonnage, ce qui leur a permis d’expliquer les déviations originales lors d’un audit ultérieur.

Conclusion

Les risques liés à une contamination microbienne dans les systèmes de distribution d’eau peuvent être catastrophiques pour une société pharmaceutique. Le manque de sécurité, de qualité et d’efficacité des produits fabriqués par ces entreprises pourrait coûter cher tant au niveau de la qualité du produit et la santé du patient que du point de vue juridique avec les organismes de réglementation voire des patients ayant déjà utilisé le produit fini. Les méthodes de comptage traditionnelles actuelles basées sur la croissance offrent quelques bénéfices pour réduire les risques, mais comportent beaucoup de limitations technologiques. Ces limitations signifient que le risque de contamination microbienne dans le produit fini est encore considérablement élevé.

L’analyseur 7000RMS est un instrument de contrôle de procédé qui permet de réduire considérablement le risque de prolifération microbienne dans le système de distribution d’eau en surveillant en temps réel l’évolution de la charge microbienne dans les eaux pharmaceutiques. Cet outil vient en complément des méthodes traditionnelles en proposant une meilleure visibilité du procédé de production et distribution de l’eau ultrapure. Les entreprises sont ainsi en mesure de fabriquer en toute confiance des produits conformes aux exigences de santé, sécurité, de qualité et d’efficacité pour le patient, tout en réduisant les risques de pertes de produits pour l’entreprise.

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Paul Arthur SOL – METTLER TOLEDO SAS

Responsable Gamme Thornton chez Mettler Toledo SAS Spécialiste sur l’ensemble des analyses eau Pures et Ultra Pures pour Mettler Toledo SAS depuis 2ans

mtpro-f@mt.com

Références

http://physique.unice.fr/sem6/2008-2009/PagesWeb/SBM/D_un_point_de_vue_physique….html

Glossaire

GAFU: unité auto fluorescente

RMS: Real-Time Microbial System