Retour d’expérience sur l’achat de remplisseuses BFS pour un site spécialisé dans le PFS

Depuis ces dernières années, le monde de la production pharmaceutique se tourne vers le BFS pour la commercialisation de préparations pharmaceutiques stériles et sur le sujet qui nous concerne : les solutions injectables. Cette forme de contenant, existant depuis plus de cinquante ans, permet maintenant avec l’évolution des technologies et leurs exigences d’accélérer la mise en production de nouveaux produits comparativement à des lignes adaptées à des contenants en verre.

Le BFS permet de supprimer les coûts inhérents au transport des contenants en verre vides ayant souvent des emballages volumineux, les coûts de traitement pour le lavage et la stérilisation réduisant ainsi l’empreinte carbone. Il y a aussi l’aspect casse, fissure et rayure impactant la productivité et évidemment l’intégrité du produit. Il supprime aussi les risques de coupures ou de piqûres lors de la production et de l’utilisation protégeant ainsi aussi bien le producteur que l’utilisateur final. Cette technologie permet aussi, par un design approprié, de se passer d’une aiguille pour le prélèvement de la préparation pharmaceutique en permettant une connexion directe aux dispositifs médicaux équipés de raccords “Luer-Lock TM” normés. (Luer-Lock est une marque de BD) Aspen Notre-Dame-de-Bondeville est spécialisé dans la fabrication de produits stériles, de la production de principes actifs à la fabrication de produits pharmaceutiques finis. Reconnu comme un site pharmaceutique d’excellence, une référence mondiale pour les produits stériles depuis plus de 50 ans, le site distribue ses produits à un niveau international. En 2018, le site s’est engagé dans la fabrication d’anesthésiques avec la construction d’un nouveau bâtiment de production pour accueillir ces nouveaux produits dans son portefeuille. Plus de 46 millions d’unités monodoses (ampoules de polyéthylène et ampoules de polypropylène) et 2 millions de poches (polybag) seront ajoutés à la capacité de production stérile du site d’ici 2023, ce qui portera la capacité totale de production unitaire stérile à plus de 400 millions.

1. Passer du PFS au BFS

Lorsque le site s’est engagé dans le projet d’achat des 2 remplisseuses Blow Fill Seal (BFS), il a tout d’abord fallu découvrir cette technologie inconnue pour le site. Très rapidement, le choix s’est porté sur une technologie de remplisseuse BFS rotative à paraison continue contrairement à d’autres modèle pouvant être “alternative à paraison continue” ou “alternative à paraison coupée” (voir chez les différents constructeurs les différences). Étant habitué à la technologie de remplissage de seringues verre dans un isolateur depuis plus de dix ans, le site ne voulait pas aller vers un environnement de remplissage dit “conventionnel” avec la panoplie de contrôles environnementaux associés. Puis, il a fallu définir l’ampoule et ses caractéristiques, épaisseurs de parois, géométries, volumes de dosage avec toutes les tolérances associées.

Point de vue du fournisseur. C’est toujours un défi que de travailler avec des sociétés ayant accumulé des expériences et une expertise dans le domaine du conditionnement sous isolateur. Nous nous retrouvons souvent devant un gouffre entre les compréhensions entre les deux technologies, les conceptions, les utilisations, les SOP, la définition de la ligne de vie qu’est le circuit aseptique. C’est ici que commence l’écoute des besoins clients, ses expériences, ses expertises…

Mais rapidement, le site s’est aperçu que la gestion d’une machine BFS par rapport à la gestion d’une remplisseuse de contenants en verre sous isolateur comporte des similitudes mais aussi de grandes différences. Afin de permettre d’appréhender ce nouveau process, une visite des installations du constructeur en Allemagne a été organisée avec l’assurance qualité opérationnelle, l’assurance qualité validation, le futur responsable de production ainsi que les experts inspection automatique du site Aspen Notre Dame de Bondeville ; et ceci dès le début du projet. Ces trois jours de découverte ont permis de comprendre la gestion des équipements et de mieux cibler les exigences dans les différents cahiers des charges pour le passage des commandes.

Nous avions un impératif : passer les commandes rapidement. Les 2 remplisseuses étaient en effet sur le chemin critique de la construction des salles d’environnement classées. Lors du passage de ces commandes, en accord avec Rommelag, certaines options ont été retenues dans le but de les confirmer ou non au cours des différentes visites chez le constructeur. Par exemple, sur les conseils des équipes Rommelag, la possibilité d’avoir l’ensemble mécanique protégé lors du recul de la tête de paraison en zone technique aux inter lots a été retenu, ceci permettant que le retour en zone classée se fasse avec un minimum de nettoyage. Toute la définition s’est faite sur le site de construction, au pied des machines afin de voir les différents avantages et inconvénients, tout en restant dans l’enveloppe de l’offre de prix et de la commande. Je pense que cette gymnastique pour les équipes Rommelag n’a pas toujours été facile !

Donc, après le passage de commande, très vite sont arrivés d’autres échanges avec les équipes Rommelag afin de dérouler la revue de design. Ne connaissant pas le processus plastique, beaucoup de questions furent posées dans l’optique de gagner en connaissance. Une machine de répartition aseptique injectable se doit d’avoir un design approprié, respectant les niveaux particulaires d’une zone classée et permettant une nettoyabilité aisée et efficace. Nous avons demandé à placer la panoplie de vannes (c’est-à-dire l’enceinte contenant toutes les tuyauteries, filtres et autres composants pour le circuit produit et pour le nettoyage en place/stérilisation en place) dans la zone classée à notre propre initiative, avec différentes options issues de notre connaissance des zones classées où se trouvent nos lignes seringues.

Point de vue du fournisseur. Il est important de conserver une grande ouverture d’esprit et la réactivité nécessaire pour s’adapter à nos clients, nos marchés. Concevoir une machine sans prendre en compte les remarques des utilisateurs serait une très grosse erreur. Il nous est donc apparu dès le départ indispensable que les échanges client / fournisseur devaient, dans un premier temps, se faire en direct sur notre site avec les équipes conceptrices des différents éléments constituant notre équipement. Cela fut fait dans une approche d’échanges constructifs. Certainement que quelques demandes n’ont pu être satisfaites car ces changements auraient impacté sensiblement le design de notre machine 460. Nous retenons ici qu’avec des échanges et de bonnes argumentations, tous les points ont pu être surmontés.

Lors la revue aseptique du circuit produit et du circuit air process, les échanges furent nourris et nos exigences fermes. En effet, dès les premières visites, nous avions remarqué certaines anomalies que nous n’aurions pas laissé passer sur une remplisseuse flacons ou seringues. Nous avons donc, pendant une semaine, repris chaque phase du processus de nettoyage et de stérilisation et chaque partie de tuyauterie, et avons défini les passages de l’eau pour préparation injectable (EPPI), de l’air process et de la vapeur pure. Une feuille A0 par étape… donc la salle de réunion a très vite eu un nouveau papier peint ! Cette session de travail a permis par la suite d’établir un document Excel reprenant toutes ces phases sous forme de grafcet (moyen graphique de représentation de séquences) en y ajoutant toutes les conditions de changement d’étapes (températures, volume d’EPPI, durée, état des vannes…). Il est nécessaire de préciser que pour cet exercice, il faut s’entourer des bonnes personnes ayant une expérience rompue à l’exercice, telles que les experts de l’assurance de la stérilité et les automaticiens ayant l’expérience de ces cycles. Ce document Excel a été mis à jour tout au long du projet, a continuellement été la référence entre le constructeur et l’équipe projet, et aujourd’hui encore il sert de support pour certaines activités.

Une autre grande différence sur le process des machines BFS rotatives avec les machines BFS alternatives est l’absence de contrôle environnemental au point de remplissage. Le point de remplissage se trouve dans la poche plastique qui va permettre de créer la future ampoule. Cette poche est contrôlée en largeur et cette mesure permet la régulation de l’air soufflé filtré. La paraison est donc assimilable à un mini « isolateur » d’une remplisseuse conventionnelle. Mais elle est tellement petite, et le volume d’air qui la maintient en forme tellement faible, qu’il est totalement impossible d’y prélever le volume d’air nécessaire au contrôle particulaire. Il est aussi impossible de venir y placer une boite de pétri. Cependant, le processus du BFS nécessitant, lors du démarrage, une étape de stabilisation du process plastique de plusieurs minutes, permettant de purger les éventuelles particules qui pourraient se trouver sous la tête de paraison chauffée à plus de 150°C. Puis, lorsque le process plastique est stabilisé, le démarrage du cycle de remplissage/dosage commence. Lors de l’arrêt du cycle de remplissage, les aiguilles ou mandrins sont tout d’abord remontés dans la tête de paraison puis la phase d’arrêt du plastique est enclenchée.

Voilà donc la force du process BFS : l’environnement de la zone de remplissage est continuellement renouvelé et la zone où le remplissage se déroule n’apparaît QUE pendant le remplissage. Cependant, lorsque le processus est à l’arrêt, seule la qualité environnementale de la pièce permet de maintenir un niveau particulaire conforme.

Malgré un contexte COVID-19 très restrictif et un technicien Rommelag confiné chez lui en Allemagne, nous avons réussi à conduire le projet jusqu’à son terme.

2. Préparation du principe actif

Pour ceux qui produisent déjà des unités injectables, vous ne serez pas dépaysés… La préparation du principe actif pour un produit injectable placé dans une unité BFS reste identique à une préparation pour un remplissage dans un contenant verre. Pour ceux qui veulent se lancer dans le BFS, il est nécessaire de se référer aux exigences applicables aux préparations parentérales et d’utiliser les mêmes que pour un remplissage dans un contenant verre. Pour les préparations supportant la stérilisation terminale, en sélectionnant le grade du plastique correspondant, il est également possible d’effectuer cette stérilisation terminale.

Conclusion

La production de préparations pharmaceutiques injectables dans des unités BFS doit être gérée par un processus projet comme pour tout autre forme galénique. Les approches, les analyses de risques et les processus sont vraiment similaires. Le draft de la future annexe 1 des GMP Européennes, communiqué en février 2020, devient plus précis sur ce type de production ; la production d’ampoules BFS injectables fait l’objet d’une réglementation beaucoup plus directive. Si le BFS semble attractif par la limitation d’interactions avec des fournisseurs en amont du processus, il n’est néanmoins pas toujours simple d’intégrer une nouvelle technologie regroupant des circuits de refroidissement, un système de vide et un circuit hydraulique de puissance qui interagissent tous sur le formage. De nouveaux métiers sont aussi à intégrer comme la plasturgie, la moulerie… Des études sur les interactions contenant/contenu sont nécessaires et demandent du temps et des moyens.

La technologie BFS est une solution éprouvée pour le conditionnement des produits liquides et visqueux depuis plus d’un demi-siècle. Ce sont les formes parentérales qui furent les premières à être conditionnées dans des flacons BFS, larges volumes parentéraux. Aujourd’hui, il est de plus en plus évident que dans les approches des projets de conditionnement de produits injectables, la solution BFS se présente comme une alternative très sérieuse aux autres présentations : ampoules verres, seringues… Une technologie simple et robuste où la maîtrise du procédé de formage / remplissage est à la portée de tous les sites de production. Parfois la ou les limites restent la méconnaissance du BFS ou un certain conservatisme de quelques acteurs de notre monde pharmaceutique.


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François Caboulet 

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Christophe BENOIT

Benoit Christophe

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Glossaire

BFS Blow Fill Seal (Souffler, Remplir, Seller)

EPPI Eau Pour Préparation Injectable 

FAT Factory Acceptance Test

PFS Pre-Filled Syringes

SAT Site Acceptance Test

SOP Standard Operating Procedures